vendredi, mars 29, 2024

Gambie : Yahya Jammeh ne rate jamais une occasion de lancer un anathème

Ne ratez pas!

Haro sur la presse. Haro sur les homosexuels. Haro sur les condamnés à mort… . La langue anglaise est sa toute nouvelle cible.

Est-ce parce que son pays encastré dans le Sénégal ne captive pas naturellement les téléobjectifs quel’ubuesque président gambien Yahya Jammeh initie périodiquement des croisades qui le comblent d’autant plus qu’elles sont jugées politiquement incorrectes ? Après avoir condamné, les unes après les autres, les lubies supposées des nations occidentales, Yahya Jammeh s’en prend désormais à l’impérialisme de la langue de Shakespeare. Haro sur l’anglais qui ne devrait plus être la langue officielle de cette Gambie qui quittait, en octobre dernier, le Commonwealth. L’organisation des pays anglophones était alors qualifiée de « coloniale » par l’Ubu ouest-africain. Le vocabulaire et la grammaire des Britanniques est moins un « butin de guerre » pour Banjul que l’artillerie résiduelle de « pilleurs » toujours avides de richesses. Abandonner l’usage officiel de cette « langue étrangère » est donc, pour Jammeh, une légitime réparation des médisances de l’Histoire contemporaine.
Les saillies du fantasque président gambien ne sont pas toujours suivies d’effet. Pour l’heure, le bannissement de l’anglais ne fait l’objet d’aucun chronogramme. Quant à la langue nationale qui doit subtiliser le statut de langue officielle, elle n’a pas encore été proclamée. S’agira-t-il du diola pratiqué par le peuple dont est issu Jammeh ? S’agira-t-il du mandinka, autre variante du mandingue ? S’agira-t-il du wolof, commun avec le Sénégal ? L’autocrate gambien nous a habitué à plus original. Quitte à être loufoque, pourquoi Yahya 1er ne promouvrait-il pas le neutre esperanto, cette langue agglutinante conçue par l’ophtalmologiste polonais Ludwik Lejzer Zamenhof ? Elle ne privilégierait ni une ethnie de l’intérieur, ni colon extérieur…
Paranoïa et main de fer
Il y a quelques mois, Jammeh aurait pu décider de traduire les formulaires administratifs en mandarin, en atayalique, en tsouique ou en païwanique, toutes langues pratiquées à Taïwan. La Gambie n’était-elle pas l’un des quatre pays africains à se partager le généreux « gâteau » de la République de Chine (nom officiel du gouvernement de l’île). Mais, le 14 novembre dernier, elle rompait ses relations avec cette dernière…
Voilà deux décennies que le paranoïaque lieutenant mutin de 1994 dirige la Gambie d’une main de fer. Si son populisme des plus éculés dénie aux anciens colonisateurs toute légitimité à donner des leçons de gouvernance, moins convenues sont certaines prises de positions qui font grincer des dents. Le musellement de la presse, l’abrogation de l’abolition de la peine de mort ou la suppression de la limite du nombre de mandats présidentiels étaient prévisibles, pour qui connaît le personnage. Mais il est tout de même ahurissant, tout respectueux des mentalités locales que l’on soit, d’entendre un chef d’État déclarer qu’il combattra « ces vermines appelés homosexuels ou gays de la même manière que les moustiques vecteurs du paludisme »…
Imprévisible, le dictateur gambien annonçait, à l’issue du jeûne musulman de 2012, qu’il allait faire trépasser une cinquantaine de condamnés à mort dont l’exécution n’était pourtant pas programmée. Il affirmait ainsi que le gouvernement ne permettait plus « que 99% de la population soit prise en otage par des criminels ». Et s’il consacre plus de temps aux gays qu’aux anophèles contaminateurs, c’est qu’il fait son affaire des maladies qui minent son pays. Partisan des plantes médicinales, le « marabout » Alhadji « doctor » Yahya Jammeh affirme avoir découvert, en 2007, un remède contre le sida.
Chappe de plomb
Qui libérera les Gambiens de cette chape de plomb ? Peut-être la diaspora. Il y a un mois, l’Union démocratique des activistes gambiens (DUGA), mouvement basé aux États-Unis, invitaient, en conférence de presse au Sénégal, à détruire le mythe de Yahya Jammeh. En septembre dernier, elle faisait huer le président gambien devant l’Hôtel Ritz Carlton de New York. Régulièrement, elle diffuse des magnétophones sur les places publiques de Banjul, ce qui conduisit récemment au limogeage de 124 policiers. Plus radicaux, les militaires dissidents du Mouvement de la résistance nationale de la Gambie (NRMG) viennent d’annoncer qu’ils envisagent de déloger le tyran.
Peut-être Yahya Jammeh ne comprend-il que le langage de la force. Pour l’heure, c’est sa langue officielle qu’il doit choisir. Pourquoi pas la langue des signes ? Les relations diplomatiques entre le pays ouest-africain et la plupart des autres nations du monde s’apparentent bien à un dialogue de sourds. Et les traductions fantasques de l’interprète en langue des signes de l’hommage à Nelson Mandela ne furent finalement pas plus farfelues que la plupart des propos de Yahya Jammeh.

Jeuneafrique via ferloo.com

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