vendredi, mars 29, 2024

Abdoulaye Wade : « Je suis dans ce cas-là : natif de Saint-Louis et donc, de ce fait, automatiquement français »

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Dans un hors-série du Monde paru en novembre 2008, Abdoulaye Wade, alors président du Sénégal depuis mars 2000, revenait sur l’instauration de la Journée du tirailleur. Avocat et éternel opposant à Léopold Sédar Senghor, Abdoulaye Wade s’est fait connaître par ses opinions tranchées et son franc-parler. Attaché à la réhabilitation du rôle des troupes coloniales, il répète avec vigueur que l’homme africain est bien entré dans l’histoire comme « bâtisseur du monde libre ». Fils d’un tirailleur sénégalais, il évoque pour Le Monde l’histoire de son père et, au-delà, celle de ces centaines de milliers d’Africains partis se battre dans les tranchées de Verdun ou de la Somme.

En juin 2008 a eu lieu pour la quatrième fois, à Dakar, la Journée du tirailleur afin d’honorer les combattants des troupes coloniales qui se sont battues aux côtés de la France. Vous tenez beaucoup à cette cérémonie, pourriez-vous nous expliquer pourquoi ?

ABDOULAYE WADE : Tous les Africains, particulièrement ceux de l’Ouest, et parmi ceux-ci les Sénégalais, sont très sensibles à tout ce qui touche les tirailleurs. Cela fait partie de notre histoire. Malheureusement, on avait tendance à les oublier. Par nature, j’étais enclin à plaider pour que les tirailleurs sénégalais (on qualifie ainsi indistinctement toutes les troupes coloniales noires) soient mieux perçus. Quand j’étais étudiant, j’ai visité plusieurs cimetières de soldats de la force noire en France.

Pour faire connaître cette histoire, j’ai eu l’idée de lancer une Journée du tirailleur sénégalais afin d’expliquer chaque année la participation des soldats africains à la libération de la France et, au-delà, à la création du monde où nous vivons aujourd’hui, qui est un monde de liberté. J’ai donc consulté autour de moi, notamment le président Chirac, qui s’est dit enchanté. J’ai rencontré ensuite mes collègues présidents africains ainsi que les chefs militaires pour arriver au lancement de cette manifestation.

Cette journée consiste en une cérémonie devant la gare Dakar-Niger, où arrivaient les tirailleurs avant de prendre le bateau pour la France. Les troupes défilent devant la statue de Dupont et Demba, qui représente un tirailleur et un poilu de la Grande Guerre. Cette statue n’est-elle pas un vestige du colonialisme?

Cette statue, ce n’est pas moi qui l’ai commandée. Je pense qu’elle date de l’époque de Léopold Sédar Senghor [président du Sénégal de 1960 à 1980], lui-même ancien tirailleur sénégalais et prisonnier de guerre. Je comprends parfaitement que ce symbole ait eu une signification pour lui. Mais à son départ, on l’a enlevé. Un beau jour, je passe à l’endroit où elle était d’habitude, et elle avait disparu. Elle avait été reléguée dans un cimetière. Quand je suis arrivé au pouvoir, j’ai demandé qu’on aille la chercher car, pour moi, elle représente un pan de notre histoire. Il faut assumer l’histoire, quelle qu’elle soit. Il ne faut pas en effacer une partie parce qu’elle dérange. Ceux qui font des critiques trop sévères vis-à-vis des tirailleurs ou des régimes de l’époque et de Blaise Diagne [premier député noir à la chambre des députés], qui est à l’origine de l’engagement massif des tirailleurs dans la première guerre mondiale, sont des gens qui ne sont pas très justes. Certains qualifient Diagne d’agent de l’impérialisme. Je pense qu’ils ont tort. Pour apprécier son apport à l’histoire de l’Afrique, il faut le replacer à son époque, qui était une époque de non-droit. Les Africains n’avaient pas de droits. Ils étaient des sujets français. Et à cette époque, un homme s’est singularisé en prenant la défense des Noirs, c’était Diagne. A l’époque, les Sénégalais étaient contents de voir un Noir au Palais-Bourbon défendre la race noire. Il se battait contre le racisme. On récitait ses paroles, comme plus tard celles d’Aimé Césaire. Pour nous, Blaise Diagne était un symbole.

Votre histoire familiale est liée aux tirailleurs et à la guerre de 14-18…

Mon père et mon oncle sont tous les deux nés à Saint-Louis au Sénégal. En 1915, il y a eu une loi qui a permis aux citoyens des quatre communes (Dakar, Gorée, Rufisque et Saint-Louis) de devenir français. Mais c’est une loi ultérieure, datant de 1917, qui en a fait des Français. Je suis dans ce cas-là : natif de Saint-Louis et donc, de ce fait, automatiquement français. L’avantage, c’est que nous étions ce que l’on appelait des « originaires ». Dans l’armée, nous partagions le même régime que les Français : les mêmes vêtements, le même casque.

Lorsque la première guerre mondiale a éclaté, la France a d’abord appelé ses citoyens. Tous ceux qui avaient la nationalité française devaient se présenter et faire leur service. Mon père et son frère, natifs de Saint-Louis, étaient concernés. Les Français ont regroupé tous les appelés à Thiès. C’est là qu’on formait les régiments qui partaient ensuite par mer pour la France. Mon père et mon oncle sont partis dans deux bateaux différents et à des dates différentes. Quand mon père est arrivé à Marseille, on l’a dirigé vers le front pour participer à la bataille de la Somme. Après, il a fait Verdun. Mon oncle lui a débarqué à Bordeaux, avant d’être envoyé directement en Afrique du Nord. Tous les deux ont fait la guerre, mais l’un s’est battu et l’autre pas. Mon père, blessé en 1917, est venu à Dakar en congé. Il a été soigné à l’hôpital principal de Dakar, on y trouve d’ailleurs encore son bulletin de santé. Après la guerre, mon oncle s’est vu remettre la Croix de guerre ainsi que d’autres médailles, il percevait également une pension.

Et votre père ?

Mon père fréquentait le foyer des anciens combattants à Dakar, mais il était vexé parce que lui n’avait pas eu de médaille. Même les avantages qu’on offrait aux anciens combattants, il n’y avait pas droit. Cela le révoltait. Un jour, il est venu me voir, j’étais devenu avocat, pour me demander de résoudre son problème. Je lui ai dit : « Papa, il n’y a pas de problème. La pension que vous recevez de la France, c’est trois fois zéro. Si tu veux, tous les mois, je te donne dix fois ça et on n’en parle plus, plutôt que de se lancer dans des procédures. » Il est parti. Puis, un jour, il est revenu et m’a dit : « Je sais que tu as la capacité de résoudre mon problème, mais tu ne veux pas le faire. Je te préviens. Si tu ne le résous pas avant ma mort, je demanderai à Dieu que l’on ne se revoie pas dans l’au-delà. » Je ne sais pas si vous voyez ce que cela provoque dans la conscience d’un musulman ? J’étais tellement secoué que j’ai confié mon cabinet d’avocats pour aller m’installer à Versailles en jurant :  » Je ne bougerai pas d’ici avant d’avoir réglé ce problème !  » C’était au début des années 1980. J’ai donc commencé et j’ai fini par tomber sur un jeune colonel qui m’a aidé.

Mais j’ai bénéficié d’une chance extraordinaire du fait de mon passage dans l’armée française. A l’époque, j’avais été affecté dans l’intendance, où je transcrivais des fiches. Je me suis dit que la confusion venait peut-être de là. Cette hypothèse s’est confirmée, parce que chez nous, on a l’habitude d’ajouter le nom du grand-père ou de la grand-mère au nom des enfants. Mon père s’appelait Momar Wade, mon oncle, Magatte Wade et mon grand-père, Massamba Wade. Ils s’appelaient donc Momar Massamba Wade et Magatte Massamba Wade. Je me suis donc dit : « Celui qui tenait les fiches était un Français qui n’avait pas connaissance de cela. Il s’est dit qu’il s’agissait d’une seule et même personne et il a tout fusionné. » C’est exactement ce qui s’était passé. Charles Hernu, à l’époque ministre de la défense, lui a écrit une lettre : « Après des recherches fructueuses, nous avons pu attester que vous êtes un ancien combattant, que vous vous êtes battu dans la Somme, à Verdun », etc. Il lui a remis la Croix de guerre, la Légion d’honneur… Mon père était fier de ses médailles. Il les portait tous les jours sur son boubou.

Guerre 14-18 : entretien avec Abdoulaye Wade (1/2) par lemondefr

Cette guerre est importante dans votre histoire personnelle, mais est-ce aussi le cas pour les Sénégalais et les Africains en général ?

La guerre 14-18 présente pour nous une grande importance et peut-être aussi un tournant dans l’histoire des rapports entre le Sénégal et la France. Faidherbe a créé le premier régiment de tirailleurs sénégalais en 1857. Certains tirailleurs ont participé à la guerre de 1870. Lorsque la guerre éclate, le 3 août 1914, vingt-sept soldats se portent volontaires ; en septembre, on en comptait deux cent vingt. Par la suite, la France a décrété qu’il fallait recruter des soldats dans toute l’Afrique. Les gouverneurs avaient reçu des instructions. Ce qui s’est passé alors est assez mal connu. Beaucoup de gens ne voulaient pas être soldats. Ils se sont sauvés. Il y a eu des exodes en Gambie, dans les territoires anglais, où le service n’était pas obligatoire, en Sierra Leone, etc. Les Français ont fait appel aux chefs religieux, notamment aux deux grandes confréries : les mourides et les tidjanes. Cheikh Ahmadou Bamba a donné plus de cinq cents soldats. Idem pour le calife des tidjanes. Ils ont réussi à convaincre les Sénégalais à s’engager dans l’armée.

On a donc d’un côté les volontaires et de l’autre ceux qui étaient obligés de s’engager. Lorsque Clemenceau lance l’idée de faire venir quarante-sept mille soldats d’outre-mer, on assiste à de nombreuses révoltes. Au Mali, au Bénin, un peu partout en Afrique. Clemenceau a fait appel à Biaise Diagne. Ce dernier est venu en Afrique. Il a fait le tour des différents pays et multiplié les discours. Au lieu des quarante-sept mille soldats souhaités, il est parvenu à en recruter dans un premier temps soixante-dix mille. Il leur disait : « Vous voulez des droits. Si vous vous battez avec les Français, après la guerre, vous aurez les mêmes droits. » Sa tournée l’a emmené dans toute l’Afrique occidentale française (AOF). C’est ainsi que les soldats sénégalais ont progressivement été engagés dans l’armée française. Ils ont participé à toutes les grandes batailles : la Somme, Verdun, la Picardie, le Chemin des Dames… Les soldats de l’Afrique de l’Ouest n’étaient pas seuls. La France avait aussi pris des soldats en Afrique équatoriale française (AEF) : Gabon, République centrafricaine, etc. Ils n’ont fourni que quinze mille soldats. Elle avait recruté à Madagascar (quarante et un mille), sur la Côte française des Somalis et en Inde. Les soldats africains représentaient environ deux cent vingt mille soldats, parmi lesquels soixante-dix pour cent d’Africains de l’Ouest. Ils ont participé à la guerre, puis ont été libérés par la suite. Ils n’ont eu aucune difficulté pour avoir des pensions, et il n’y a pas eu de problèmes avec les anciens combattants de la guerre 14-18, mais ils n’ont pas obtenu les droits politiques qu’ils espéraient.

Au moment des indépendances, les tirailleurs ont été considérés comme des « suppôts  » du colonialisme. Certains présidents africains ont dit qu’il fallait supprimer les pensions des tirailleurs sénégalais, et ces dernières ont été « cristallisées », gelées, par la France.

Effectivement, Michel Debré [alors premier ministre] a considéré qu’il fallait découpler les pensions des Africains des pensions des Européens. Selon lui, les Africains vivant chez eux avaient besoin de moins d’argent que les Européens vivant en France. L’autre argument, c’était de dire que si on leur donnait trop d’argent, cela risquait de créer de trop fortes disparités au sein des villages dans lesquels ils vivaient. Les pensions ont donc été cristallisées [gelées]. Cela a fait l’objet de revendications très nombreuses de la part des chefs d’Etat et des intéressés eux-mêmes. Certains sont allés jusqu’au Conseil d’Etat en France. Moi-même, j’ai travaillé là-dessus. C’est grâce à ces revendications que le président Chirac a décidé de rétablir les droits de ces anciens combattants. Nous étions surtout soutenus par les anciens combattants français. Ils se sont toujours battus unanimement pour le rétablissement des droits des tirailleurs.

Le film Indigènes a fait progresser, en France, la prise de conscience du rôle des troupes coloniales dans les deux conflits mondiaux. Avec cette Journée du tirailleur, vous partagez cet esprit. De quelle manière, selon vous, ce message pourrait-il être mieux transmis en France?

Je crois en fait que c’est la Journée du tirailleur qui a inspiré le film Indigènes. Nous voulons mettre l’accent sur l’Afrique au sud du Sahara, avec le rôle du tirailleur sénégalais, noir, mais nous n’ignorons pas les tirailleurs algériens, tunisiens ou marocains [l’Afrique du Nord a fourni deux cent soixante-dix mille combattants en 14-18]. Je constate d’ailleurs que le réalisateur nous a rendu la monnaie de notre pièce, car il n’y a presque pas de Noirs dans son film. J’ai demandé que la question des tirailleurs soit intégrée dans les manuels scolaires pour que les élèves sachent qu’à un moment donné, pour certains Sénégalais et certains Africains, la patrie, c’était la France. Ils l’ont assumé. Ils ont fait la guerre. Certains ont disparu. D’autres sont revenus. Il ne faut pas changer l’histoire simplement parce que cela ne nous arrange pas, parce que cela ne correspond pas à nos vues aujourd’hui. A l’époque, les gens étaient très fiers de dire qu’ils étaient des Français. S’ils ne s’étaient pas sentis français, ils ne se seraient pas battus. Le mot d’ordre des tirailleurs, c’était « morts pour la France ». De nos jours, nous ne le concevons pas. Les travaux sur les tirailleurs sont nombreux aujourd’hui. Nous avons notre musée. Et je suis particulièrement frappé par la sensibilité dont fait preuve la population française à l’égard du problème des tirailleurs. Nous avons même décidé d’organiser des pèlerinages en France, en accord avec les anciens combattants français. Je pense que c’est très important.

Vous avez également évoqué l’idée qu’un mémorial au tirailleur soit érigé en France. Vous pensiez à un monument comme celui de Vimy pour les Canadiens ?

Je pense que ce ne serait que justice. Il faut se rappeler que la statue Dupont et Demba a été sculptée par un Français. Elle symbolise une camaraderie de gens qui ont vécu ensemble, qui ont fait la guerre ensemble.

Pourquoi ne pas la dupliquer et lui trouver une place en France ? Ce serait bien que les gens se souviennent. Vous verriez bien cette statue à Paris ?

A Paris ou à Lyon… Ce sont les soldats sénégalais qui, avec Faidherbe, avec Coppolani, sont allés conquérir le Sénégal, la Mauritanie, le Mali, la Guinée, la Côte d’Ivoire, jusqu’à Madagascar. Après la deuxième guerre mondiale, ce sont les mêmes Sénégalais qu’on a utilisés pour aller en Indochine et en Algérie. Je n’en ai pas honte. Je le dis aux autres chefs d’Etat africains. Il y en a un qui nous a dit : « Vos ancêtres étaient des mercenaires. » C’est absurde. Il faut replacer les choses dans leur époque. Je comprends ces tirailleurs qui sont allés se battre, c’est à cela qu’ils croyaient. C’est pourquoi je veux les réhabiliter.

Pour faire mieux connaître cette histoire, vous avez organisé un colloque en septembre à Dakar sur les forces noires pendant la première guerre mondiale. Considérez-vous que, comme l’a dit Nicolas Sarkozy en juillet 2007, que  » le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire  » ?

J’ai soutenu et parrainé l’organisation de cette manifestation, qui avait eu lieu auparavant à Metz. Ce colloque visait à mettre en lumière les différences de traitement entre les tirailleurs sénégalais, les soldats des Antilles et les soldats noirs américains. En dehors des ressortissants des quatre communes, qui avaient le statut de citoyen, tous les autres étaient des sujets français. Après, nous avons assisté à l’émancipation, puis à l’indépendance. Ces initiatives nous permettent de montrer aux Français que nous sommes fiers de notre histoire commune.

N’oublions jamais que l’homme africain n’a jamais été un sujet couché. Il a toujours résisté au colonialisme comme à l’apartheid. Nous avons avec la France une histoire commune, faite de douleurs et de souffrances mais aussi de valeurs communes comme la liberté, la justice et la démocratie. La France ce n’est pas seulement Faidherbe et les colonisateurs, la France c’est aussi le pays des Lumières et de la Révolution. La France a répandu les idées de liberté et de droits de l’homme. Il faut maintenant enseigner l’histoire des tirailleurs et qu’elle soit présente dans les manuels scolaires, pour proposer un regard nouveau sur la relation afro-occidentale. Il y a eu sur ce sujet un silence coupable de mes devanciers, qu’il faut rectifier.

Pour ce qui concerne la seconde partie de votre question, ne nous trompons pas d’adversaire. Nicolas Sarkozy est un ami de l’Afrique. Le président en l’occurrence a été victime de son « nègre », si je puis dire, c’est-à-dire l’auteur de ce discours. Si Henri Guaino connaissait l’histoire des tirailleurs, il saurait que le Noir est bien installé dans l’histoire et que nous étions là chaque fois que la liberté a été menacée. Peut-on être mieux installé dans l’histoire ? Quant à l’expression de « peuple emprunteur » qu’il a employée – il n’était pas le premier –, c’est oublier l’apport de l’Afrique à l’histoire de l’humanité, pas sous le colonialisme, mais avant, dans l’Antiquité.

L’essentiel aujourd’hui, c’est de bâtir de nouvelles relations qui soient des relations de coopération, d’amitié. Autrement, on n’avancera pas. Imaginez si vous continuiez de reprocher aux Anglais d’avoir brûlé Jeanne d’Arc ou bien aux Romains d’avoir tué Vercingétorix… Malheureusement, l’histoire se construit comme ça. Ce qu’il faut espérer, c’est que nous allons pouvoir, en nous appuyant sur cette mémoire, construire un monde dans lequel il n’y aura plus toutes ces violences et tous ces antagonismes. Je suis peut-être un rêveur. Mais on peut me permettre de rêver.

14-18, les traces d’une guerre, hors-série Le Monde, novembre 2008.

Lemonde.fr

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