dimanche, avril 28, 2024

Dr Abdourahmane Sarr: « le volet économique de la DPG a été le plus faible en substance »

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Madame le Premier Ministre a fait une excellente déclaration de politique générale. Elle a exprimé la véritable vision du Chef de l’Etat qui jusqu’à un passé récent n’était pas claire dans l’esprit des sénégalais. En effet, la préoccupation première du Président de la République, nous le disions, est de faire en sorte que le Sénégal soit un pays où les inégalités et injustices sociales seraient réduites au minimum possible. Tout le discours de Madame le Premier Ministre s’est collé à cette vision, et a donc été clair. Elle a défini de nouveaux axes stratégiques précis pour réaliser cette vision, et les programmes, projets, et instruments pour y arriver ont été clairement exposés. Du volet social de la déclaration aux raisons qui motivent l’Axe III de la décentralisation, la finalité de tout ce qui a été exposé a été principalement de réduire les inégalités et injustices sociales et d’améliorer la protection sociale.

Du fait de la clarté de ses objectifs sociaux et des moyens pour les réaliser, nous pensons qu’elle aura des résultats mesurables, mais à notre humble avis, ils ne seront pas significatifs. Ces résultats seront mesurables et pourront être qualifiés de «quick wins» ou « victoires rapides» qu’elle pourra faire valoir et promettre aux sénégalais des lendemains meilleurs. Cependant, nous pensons qu’il est possible d’aller beaucoup plus vite en empruntant des voies plus efficaces sur le plan économique pour atteindre les objectifs essentiellement sociaux du Président de la République qui se dit libéral mais qui dans la méthode est toujours dans la tradition socialiste de notre pays. C’est ainsi que le volet économique de la déclaration de politique générale a été le plus faible en substance. Jamais ce qui s’est fait dans ce pays depuis 53 ans sur le plan économique n’a été aussi bien exposé, ce qui veut dire que si notre lecture est bonne, sa mise œuvre risque de produire des surprises difficiles à gérer. Nous reviendrons sur le pourquoi.

Dès l’entame de son propos, Madame le Premier Ministre nous précise que sa déclaration de politique générale est une feuille de route dont les orientations et objectifs «ont été déterminés par le Président de la République». Ceci est à contraster avec les propos de son prédécesseur qui lui nous indiquait que sa déclaration «traduisait la vision du chef de l’Etat ». Cette vision a-t-elle évolué? Nous ne le pensons pas. Nous faisons le postulat qu’il avait été demandé à l’ancien Premier Ministre de faire la synthèse du programme des assises nationales et du Yonu Yokkuté. Cette synthèse n’était donc pas la vision véritable du Chef de l’Etat mais la traduction d’un compromis au lendemain de la victoire du 25 Mars 2012. Un Président de la République est élu pour diriger et mettre en œuvre une vision par rapport à sa lecture des préoccupations des citoyens. Dans la mesure où ce Président de la République a les moyens de mettre sa vision en œuvre, notamment par la voie d’une assemblée nationale prête à le soutenir, il doit prendre ses responsabilités. De ce point de vue également, le Président de la République est à féliciter pour le courage qu’il a eu de dérouler sa propre feuille de route.

Qu’est ce qui ne va pas dans le volet économique de la déclaration de politique générale? D’abord, le volet macroéconomique qui donne le cadre de mise en œuvre des programmes énoncés et leur financement a été occulté parce qu’en réalité il est le plus difficile. Les programmes sont la charrue et les bœufs le cadre macroéconomique car il permet d’alimenter le budget qui doit essentiellement financer les programmes sociaux et infrastructures de base. Le déficit budgétaire du Sénégal est en phase de réduction parce que les citoyens sénégalais ne peuvent pas répéter 20 années d’ajustements budgétaires et structurels à cause des mêmes politiques qu’on ne cesse de répéter. Nous n’avons jamais réussi à accélérer notre croissance économique de façon soutenue avec le budget, jamais. Nous allons d’expansion budgétaire avec endettement, en ajustement et austérité budgétaires depuis 1960 au gré des possibilités d’endettement extérieur, et des rééchelonnements et annulations de dettes. Il nous faut arrêter et prendre notre destin en main. Les nouvelles possibilités d’endettement qui nous viennent de la Chine ne veulent pas dire que la dure réalité économique a changé ou que les nouvelles personnes aux commandes feront mieux que les autres avec les mêmes méthodes sous les mêmes contraintes avec de nouveaux donateurs.

Nous nous sommes déjà exprimés sur les instruments de financement publics proposés tels que le FONSIS, le FONGIP, la BNDE, et la Stratégie de Croissance Accélérée, leur réussite étant soumise à des préalables. Nous allons illustrer les raisons de nos interpellations en parlant des objectifs d’accélération de la croissance du secteur agricole, l’atteinte de l’autosuffisance alimentaire, et la décentralisation qui semblent faire l’unanimité.

Sur l’agriculture nous voulons rappeler que la finalité de la production dans une économie monétaire et d’échange et non de subsistance n’est pas la consommation propre des producteurs (individuellement ou collectivement) mais la vente pour des revenus. La finalité économique première de la production en économie monétaire n’est pas non plus la sécurité alimentaire, ni l’autosuffisance alimentaire, bien que ses objectifs peuvent se comprendre lorsqu’on veut juste réduire les inégalités sociales. La finalité est l’obtention de revenus pour pouvoir se procurer ce que l’on désire d’où qu’il puisse provenir, l’essentiel étant qu’on ait un pouvoir monétaire d’achat.

Tout le volet économique de la déclaration de politique générale peut être lu sous l’angle de la production et de l’offre. L’énergie pour le coût des facteurs, les infrastructures pour le facteur capital, et l’éducation et la formation pour le volet main d’œuvre et sa productivité. La demande qui assure le revenu par la vente, elle, est totalement occultée et supposée exister de facto. Malheureusement, si la production agricole ciblée et dont l’atteinte engloutira des ressources budgétaires et des financements importants réussit, cette production risque de pourrir au soleil car elle dépasserait les besoins d’autoconsommation des producteurs à moins que nous ne fermions nos frontières ou ne passions la facture aux citoyens consommateurs ou à l’Etat. Nous le faisons déjà pour nos oignons et autres produits locaux non compétitifs mais déjà produits par des électeurs potentiels très aptes à faire du bruit lorsque leur production n’est pas écoulée. Par ailleurs, nous ne savons déjà que faire de certains de nos excédents (lait et fruits).

Sur la décentralisation, nous disions que l’urbanisation croissante est une opportunité car elle crée un concentré de demande qu’il faut aider à s’exprimer sous une forme effective donc monétaire pour rencontrer l’offre possible qu’on veut stimuler. C’est la raison pour laquelle nous soutenons la mise en place de pôles régionaux que nous appelons des Cité-Régions car ayant comme épicentres des grandes villes qui polarisent dans leur sphère géographique comme sources de demande. C’est ainsi que pour nous, la finalité de la décentralisation n’est pas juste la bonne gestion des programmes au niveau local et la réduction des inégalités par la communalisation intégrale, mais pour ce qu’elle rend possible sur le plan économique. Nous voulons injecter de la liquidité dans ces périmètres par un accès au crédit dans une monnaie compétitive qui finance en même temps la demande locale pour une production possible. La déclaration de politique générale de l’ancien Premier Ministre, de ce point de vue, avait retenu la décentralisation et la territorialisation comme principal axe stratégique devant permettre au pays de réaliser le développement économique et social et la bonne gouvernance démocratique. Il y a donc bien changement d’axe stratégique dans la déclaration du nouveau Premier Ministre et donc de vision dicté par des objectifs politiques de déconcentration et non de décentralisation véritable. L’ancien Premier Ministre traduisait la vision économique des tenants des assises nationales pour qui les pôles régionaux étaient importants. Le clash du Président avec ses allies est donc programmé. Malheureusement aussi, dans la méthode, la charte de bonne gouvernance des assises nationales comptait également sur l’Etat comme moteur de la croissance.

Une synthèse est alors toujours à faire pour créer les leviers économiques qui permettront au Sénégalais d’avoir les moyens de financer la demande sociale. Le dénominateur commun de ses visions est le projet que nous proposons et que Mamadou Lamine Loum, ancien Premier Ministre jugeait ainsi qui suit:

««Le projet CEFDEL/MRLD prolonge la préoccupation et les orientations des conclusions des Assises Nationales du Sénégal privilégiant une rupture des paradigmes de gestion économique, la priorité d’une décentralisation plus approfondie et plus développementale, l’exigence d’un équilibre territorial autour de pôles économiques dynamiques, le ressourcement par nos valeurs propres valorisant l’autonomie, l’éthique et l’équité, le culte de l’effort et du dépassement. Mamadou Lamine Loum, Ancien Premier Ministre du Sénégal.

Ayons le courage d’innover et de sortir des sentiers battus avec une vision complémentaire. Faisons en sorte d’avoir un Sénégal où les populations seraient en mesure de subvenir à leurs besoins en biens et services publics et privés là où ils vivent sans tendre la main à autrui (Moom Sa Bopp/Meneul Sa Bopp). Cela n’empêche pas que les couches vulnérables puissent être protégées par une nation solidaire.

Dr Abdourahmane Sarr, Président du CEFDEL/MRLD

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