vendredi, mars 29, 2024

[Opinion] Jean-Paul Dias se prononce sur l’actualité, Benno Bokk Yaakaar, l’opposition, la pénurie d’eau, les élections locales

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Connu pour sa verve, le leader du Bloc des centristes gaïndé (Bcg) se lâche dans cet entretien. Jean-Paul Dias, membre de la coalition présidentielle «Macky 2012» se prononce sur l’actualité, Benno Bokk Yaakaar, l’opposition, la pénurie d’eau, les élections locales…

Quels sont vos rapports avec le Président Macky Sall ?

Nous entretenons des rapports normaux. Nous n’avons pas des rapports de relation de travail parce que nous ne travaillons pas ensemble, je ne travaille pas là-bas. Nous n’avons pas de rapports professionnels, mais nous avons des rapports politiques normaux. On ne se voit pas toujours, mais on se voit parfois.

Est-ce que vous vous voyez souvent, est-ce qu’il vous appelle ou vous demande votre avis sur des questions données ?

Beaucoup plus rarement que souvent.

D’aucuns pensent que vous êtes frustré, vous êtes l’un des rares souteneurs de la première heure de Macky Sall à ne pas avoir été nommé…

D’abord, je précise que je ne suis pas un souteneur. Le Bcg et moi-même sommes de ceux qui ont présenté la candidature de Macky Sall au Conseil constitutionnel. Nous ne sommes pas des souteneurs. La loi et la Constitution donnent au président de la République la faculté de nommer qui il veut, quand il veut et où il veut. Mais j’attendais la présence du Bcg au gouvernement. Qu’on n’y soit pas m’a beaucoup déçu. Je ne suis pas frustré. Mais pour le Bcg et même pour «Macky 2012», je suis quand même déçu.

Est-ce que vous en avez discuté avec le chef de l’Etat ?

Non, pas encore. Mais peut-être que cela va venir.

Et comment analysez-vous le nouveau gouvernement qui a été formé dernièrement ?

Comme je l’ai dit, la formation du gouvernement relève de la prérogative constitutionnelle et légale du président de la République. De ce point de vue, il a la liberté de nommer les gens qu’il choisit là où il considère qu’ils seront utiles. Nous soutenons ce gouvernement et son Premier ministre. Mais nous aurions préféré en faire partie. C’est une déception, mais tant que le gouvernement sera sur des bases politiques acceptables, nous continuerons à le soutenir.

A votre avis, qu’est-ce qui explique ce changement de gouvernement avec le départ d’Abdoul Mbaye et l’arrivée de Mimi Touré ?

Je pense que c’est une appréciation personnelle du président de la République parce que lorsqu’il changeait le gouvernement, il ne nous a pas consultés, donc nous ne pouvons pas en connaître les motivations. C’est son choix personnel. Mais il faut qu’on fasse attention sur un certain nombre de choses. La première, c’est quand on parle de ministre qui a le profil de tel poste, c’est tout à fait irréaliste. Cela n’a pas de sens, c’est complètement ridicule. Parce que si l’on suit ce raisonnement jusqu’au bout, cela voudrait dire que le Premier ministre et le président de la République ont les compétences de tous les autres ministres. C’est complètement aberrant. Et il y a un mythe sur lequel je ne suis pas d’accord, c’est le fait de croire que les politiques que nous sommes constituent une bande d’ignorants et que les gens qui ont les capacités et les compétences sont ceux de la société civile. Ce n’est pas vrai ! La fonction de ministre est une fonction éminemment politique. Ce sont les politiques qui doivent être à la tête des départements ministériels. Les autres doivent servir de conseillers, de directeurs, d’experts… En évaluant ces deux aspects, vous comprendrez que nous ne sommes pas satisfaits de la composition du gouvernement. Ils sont allés chercher des gens qui, pour nous, n’ont rien à faire dans le gouvernement, ou en tout cas, ne peuvent pas être prioritaires par rapport à des hommes ou des femmes politiques. Il faut qu’on recadre les responsabilités et que les hommes et femmes qui s’activent dans le domaine politique soient ceux qui dirigent les départements ministériels.

Quand vous parlez de ministres, de profil et de compétence, est-ce que vous pensez à des gens en particulier ?

Cela n’a pas d’intérêt. On peut être un bon technicien, un bon ingénieur, et être incapable d’être ministre. Ministre, c’est une capacité, une aptitude, il faut être capable d’animer et de diriger des équipes, ce n’est pas parce qu’on est ingénieur ou médecin qu’on peut diriger les Mines ou la Santé. C’est un mythe qui ne tient pas debout.

Vous êtes membres de la coalition «Macky 2012», comment se porte-t-elle actuellement ?

Je crois qu’elle fait son travail. C’est elle qui a présenté la candidature de Macky Sall, et pas l’Alliance pour la République (Apr). Elle s’attendait à jouer un rôle plus important dans la mise en œuvre du programme «Yoonnu Yokkuté» dont elle a participé à la rédaction. Et c’est ça que je déplore.

Donc la coalition «Macky 2012» se sent déçue ?

Je ne peux pas parler pour toute la coalition, mais je dis que le Bcg est déçu.

Récemment, il y a eu des remous au sein de la coalition au point que le chef de l’Etat est monté au créneau pour rappeler à l’ordre la coalition…

Macky Sall n’a pas rappelé la coalition à l’ordre, il a fait une déclaration qui a été rapportée par la presse. La coalition est restée sur sa position, et lorsque je suis intervenu, j’ai dit qu’il fallait que le Président reçoive la coalition, parce qu’il y avait du malentendu dans l’air. Il a reçu la coalition et ce malentendu a été dissipé. Le président de la République a réaffirmé son attachement à la coalition. C’est pourquoi, lorsque moins d’un mois plus tard, un nouveau gouvernement a été formé et que la coalition «Macky 2012» n’y figure pas en nombre, c’est décevant. Lorsqu’on signale que l’Apr détient 47% du gouvernement et que nous «Macky 2012» nous ne sommes même pas à 7%, vous comprenez que ce n’est pas équilibré. Ce sont des choses qu’on ne peut pas accepter, je le dis. Je pense qu’il va falloir reprendre les discussions et passer aux actes.

A votre avis, qu’est-ce qui explique cette faible présence de «Macky 2012» dans le gouvernement ?

Je n’ai pas la réponse, je ne dis que ce que je constate.

Les membres de l’Apr dénoncent un certain manque de solidarité de la part des alliés de Macky Sall, êtes-vous du même avis ?

Les alliés de l’Apr, ce sont les membres de la coalition «Macky 2012», ceux-là sont toujours solidaires avec le gouvernement, ils l’ont toujours été, ils l’ont défendu et ils continuent à le faire. Maintenant vous parlez peut-être des ralliés, ceux qui sont venus après et qui sont servis à la louche.

Ce sont les membres de la coalition Benno Bokk Yaakaar ?

Je dis que ce sont les autres, «Macky 2012» est membre de Bby par son Président. Donc ce sont les autres, il y a des transhumants qui bénéficient de postes tous les jours… Ceux-là n’ont jamais défendu Macky Sall et ne le défendront pas. Donc les gens ont le droit d’être désappointés.

Pourquoi dites-vous que ces gens ne défendront pas Macky Sall ?

L’avenir nous édifiera, comme disent les wolofs «liy ram si gnag bi leu dieum». Nous verrons bien, l’avenir le prouvera. Regardez déjà avec la crise de l’eau, ils se sont tous cachés. Il faut peut-être poser la question à l’Apr, mais j’ai la conviction qu’ils parlent des ralliés. Les alliés sont ceux qui sont dans «Macky 2012», ceux qui ont présenté la candidature de Macky Sall au Conseil constitutionnel.

Comment analysez-vous la sortie d’Idrissa Seck de la coalition Benno Bokk Yaakaar ?

Je la regrette, franchement. D’abord pour des raisons personnelles, je suis de loin l’aîné des deux hommes. Le jour où Macky Sall est allé voir Idy pour lui demander de le soutenir pour le second tour, j’étais avec lui. J’étais là et j’ai parlé à Idrissa Seck, et j’aurais souhaité qu’ils continuent à cheminer pour que ce que j’avais dit à Idy, je puisse un jour le dire à Macky Sall. Ce jour-là, j’ai demandé à Idy de soutenir Macky pour ce mandat comme pour le prochain, afin que le jour où son tour viendra, je puisse être à l’aise pour demander à Macky Sall de le soutenir à son tour. Mais cela ne n’est pas fait, je le regrette et ça me peine. Cette rupture me peine, mais je ne désespère pas qu’un jour ils puissent se retrouver. Ça me peine aussi parce qu’ils sont originaires de la même souche, et parce que je pense que le pays n’a pas besoin de ça, le pays a besoin d’unité.

Avez-vous été surpris par la rupture ?

Je n’ai pas été surpris parce qu’il y a eu des prémisses que je voyais, mais je ne pensais tout de même pas que ça irait jusque-là. Lorsque c’est arrivé, j’ai compris que c’était le résultat d’un manque de dialogue. C’est pourquoi j’en appelle au président de la République, je lui dis de prendre l’initiative de dialoguer, qu’aucun conseiller ne lui mette dans la tête qu’il faut mépriser les autres. Qu’il prenne l’initiative de dialoguer y compris avec le Pds, le dialogue est le substrat normal de la démocratie. Il faut dialoguer et échanger avec tout le monde, avec ceux qui sont avec lui et aussi ceux qui sont face à lui. Quand on ne dialogue pas, on tombe dans des malentendus. Je demande donc au Président d’ouvrir le dialogue avec les uns et les autres.

Est-ce que cette sortie de Rewmi ne va pas fragiliser Bby ?

Toute soustraction est déplorable, mais espérons que non.

Un bloc d’opposition est en gestation, avec Rewmi, le Pds et Abdoulaye Baldé, pour contrer Macky Sall, quelle lecture faites-vous de cela ?

Ces gens sont dans leur rôle d’opposants, mais eux-aussi réclament le dialogue. Donc il faut que le Président dialogue avec eux.

On parle de retrouvailles de la famille libérale, pensez-vous que cela puisse se faire ?

Ça ne me regarde pas puisque le Bcg n’a pas été cité. Mais en tout état cause, je souligne que le Bcg et moi-même ne sommes intéressés par aucune relation de quelque nature que ce soit avec, derrière ou en compagnie d’Abdoulaye Wade. C’est exclu.

Les populations font face à une pénurie d’eau qui dure depuis plusieurs jours, d’aucuns accusent et dénoncent un manque de vision du gouvernement et du parti au pouvoir…

Ça c’est injuste, cette appréciation est injuste. Il faut replacer les choses dans le temps. On nous dit que cette pénurie est due à la défaillance d’une partie de tuyau qui est en acier. J’ai un peu travaillé dans l’acier et je sais que lorsqu’on enterre l’acier dans le sol, à la longue il  rouille, sauf s’il bénéficie d’un revêtement spécial. L’élément en question a été prévu pour durer 30 ans semble-t-il, mais ce n’est pas la première fois qu’il est défaillant. Où sont ceux qui s’en occupaient à cette époque ? Il faut tenir pour responsables ceux qui étaient là et qui ont acheté et réceptionné le matériel. De deux choses l’une, soit ceux qui ont fourni le matériel ont fourni un matériel défectueux, soit ils ont fourni le matériel qui leur a été demandé, mais qui n’est pas celui qu’il fallait, ensuite des commissions ont été versées à certains.  Il faut retrouver ces personnes-là et les mettre en prison, les sanctionner et même récupérer leurs biens s’il le faut pour couvrir le manque à gagner. Donc, dans ce qui vient de se passer, la Sde n’a aucune responsabilité, le gouvernement n’a aucune responsabilité, le ministre de l’Hydraulique n’a aucune responsabilité. Pour la Sones, c’est un peu différent, elle a une certaine responsabilité dans ce qui s’est passé. Parce qu’on nous indique que la Sde avait déjà alerté la Sones, qui n’a pas bougé, ce n’est pas normal. Aujourd’hui, nous devons tirer toutes les leçons dans cette affaire. On n’a pas tiré les leçons du «Joola». Et si on ne tire pas des leçons de cette affaire-là, je vous garantis que demain, il va se passer dans ce pays des choses très graves.

Pourtant, c’est le Président Macky Sall qui était le ministre de l’Hydraulique au moment de réceptionner le matériel en question

Je doute que se soit lui qui ait réceptionné le matériel. Aujourd’hui, tout le monde parle de dessalement de l’eau de mer. Mais le Bcg l’avait proposé depuis 1996, lors des élections locales. Mais personne ne nous a écoutés. Maintenant, tout le monde en parle. Il ne faut pas en parler et dire c’est trop cher ou que ce n’est pas la solution. Cela peut être une solution ou alternative ou additive.

On s’achemine vers les élections locales, comment la coalition «Macky2012» s’y prépare-t-elle ?

Je ne peux pas répondre pour la coalition «Macky2012» même si je sais qu’elle se prépare. Je parle pour le BCG. Les élections locales ne sont pas des élections de pouvoir car ça n’impacte pas sur le pouvoir. Le BCG va se préparer. L’option du parti, c’est d’aller seul aux élections locales. Peut-être que dans les semaines ou dans les mois à venir, les candidats du BCG vont commencer à se révéler. Cela ne veut pas dire que nous fermons la porte à qui que ce soit. Mais nous préférons ne pas être surpris. Le BCG a été à toutes les élections, avec ou sans résultats. Nous avons toujours considéré que le devoir d’un parti politique, c’est d’aller aux élections. Donc nous continuerons à le faire. Et dans cette optique, puisqu’il n’est pas question de reporter les élections, ce que nous déplorons, nous allons commencer à être actifs à partir du début de l’année.

Pourquoi voulez-vous que les Locales soient reportées ?
Nous avions proposé le report des Locales il y a bien longtemps à cause des tiraillements dans la mouvance présidentielle, qui étaient tous en perspective des Locales. Il fallait renvoyer pour que le Président et son gouvernement travaillent de façon sereine. C’était la raison et une autre s’y est ajoutée, à savoir l’Acte III de la décentralisation. Ce qui est d’ailleurs une appellation impropre.

Comment cela ?

L’Acte III de la décentralisation est une appellation impropre. Elle n’est justifiée ni historiquement ni administrativement. C’est au moins l’Acte IV si ce n’est l’Acte V. Parce que depuis que le Sénégal est indépendant, il y a eu beaucoup de textes dans le cadre de la décentralisation. Mais l’essentiel n’est pas dans l’appellation. Il faut savoir que dans l’Acte III, il n’y avait pas la réforme telle qu’elle a été dite. Le «Yonnu Yokkuté» prévoyait la communalisation pour que les communautés rurales deviennent des communes. Le programme prévoyait également la création de certains pôles de développement, mais il ne prévoyait pas la départementalisation. Et personnellement, je ne suis pas convaincu de son opportunité. Donc tout cela n’est pas muri. Ce sont des professeurs d’université, des soi-disant experts qui ont réfléchi, et on veut nous faire appliquer cela, nous les acteurs politiques. Il faut que l’on discute et qu’on arrête de nous énerver en nous parlant de discussions qui ont été menées avec la société civile. Ces discussions devraient être menées avec les acteurs politiques, c’est inadmissible qu’on nous dise qu’on discute avec la société civile. Pourquoi appeler la société civile puisqu’elle n’a pas la capacité juridique à présenter des candidats ? On devrait reporter les élections d’au moins un an pour régler tous ces problèmes.

Parlons de la traque des biens mal acquis, Karim Wade a reçu une 2e mise en demeure, la Cour suprême a annulé la nomination du Procureur adjoint, Antoine Felix Diome, quelle lecture faites-vous de tout cela ?

J’avais toujours dit que ce n’était pas un problème judiciaire. C’est un problème politique qu’il fallait régler de manière politique. Et si l’on m’avait suivi, l’argent aurait été récupéré depuis longtemps, parce que ça été volé. Et aujourd’hui, tout se passe comme si ce n’était pas le cas. C’est du juridisme qu’on est en train de faire, et ces gens nous font perdre du temps. A force de faire dans le juridisme, les choses commencent à apparaître comme pas normales dans l’esprit du citoyen lambda. C’est du juridisme, on perd du temps.

Etes-vous du même avis que ceux qui disent que les choses n’avancent pas, que «deuk bi dafa Macky» ?

Je vis avec les gens et j’entends ce qu’ils disent, peut-être que ce qu’ils disent ne tient pas, mais il faut leur expliquer, il y a un problème de communication.

Qu’est-ce qu’il faut leur expliquer ?

Si les gens ont un ressenti selon lequel les choses n’avancent pas, il faut essayer de savoir pourquoi ils ressentent cela. Une fois que l’on saura le pourquoi, on pourra leur expliquer. C’est peut-être parce qu’avant il y avait de l’argent sale qui été recyclé, peut-être qu’il y avait plus de laxisme, ou d’autres raisons que j’ignore, mais il faut leur expliquer. Mais personne ne le fait. Ce qui fait que ce sentiment diffus persiste.

L’OBS Via derniereminute.sn

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