vendredi, avril 19, 2024

L’Offshoring une piste sérieuse pour un marché de milliers d’emplois au Sénégal

Ne ratez pas!

A ce stade où la politique de l’emploi est un casse-tête pour nos pouvoirs publics et peine à trouver ses marques, j’invite nos autorités en la matière d’explorer la piste de proposer aux grandes multinationales un offshoring soutenant une offre de Business Process Outsourcing BPO[1] de qualité au Sénégal. Cet offshoring devrait aboutir à la mise en place d’une technopole à haute valeur ajoutée qui pourrait être adossée à la zone économique spéciale intégrée de Dakar. Le terme «Offshoring» qui désigne la délocalisation des activités de service et de production de certaines entreprises occidentales  dans des pays à moindre coût comme le nôtre est un secteur en plein essor et avec une concurrence très rude. Pour réussir ce projet, il faudra donc proposer un Offshoring de qualité et concurrentiel en terme de coût d’infrastructures et de services, de ressources humaines avec la mise en place d’un cadre de travail exceptionnel et d’un cadre fiscal incitatif spécial pour attirer les multinationales.

Il y a dans le secteur de l’offshore une niche de milliers d’emplois de haut niveau à créer au Sénégal dans quelques années en direction de notre jeunesse diplômée. Les rapports chiffrés sur la situation de l’offshoring dans un pays comme le Maroc démontrent que le secteur est très porteur. En effet, au Maroc le secteur offshore compte aujourd’hui environ 100 000 emplois et l’estimation du chiffre d’affaires est de 1,8 milliard d’euros d’ici à 2015. Le secteur de l’Offshore est alors en pleine expansion et cette dynamique place le Maroc en première position parmi les pays du continent. Pourtant en 2009 le cabinet américain de conseil en stratégie AT Kearney plaçait le Sénégal au 26ème rang mondial devant le Maroc qui n’était que 30ème, ou encore l’Afrique du Sud 39ème pour la cherté du coût de la vie et de la main d’œuvre. Et parmi les critères retenus il y a la structure financière, l’environnement économique et la qualité de la main d’œuvre. Le cumul de ces critères donne l’index global, correspondant à l’attractivité des pays, critère de choix pour l’offshore. L’analyse démontre que la main d’œuvre des pays développés est toujours trop chère et que les multinationales sont toujours enclines à rechercher des solutions d’offshoring[2].

L’avance du Maroc sur le Sénégal dans l’Offshoring nous oblige à constater le retard considérable que nous accusons dans ce domaine. Ce retard est imputable à un manque de volonté politique. C’est ce retard que nous devons corriger et qui pourra nous faire gagner des milliers d’emplois. Pour réussir ce projet d’envergure, il faudra privilégier une vision stratégique de l’Etat qui soit construite et planifiée comme ça a été fait justement au Maroc dans le début des années 2000.

I – Le Sénégal et ses atouts dans le domaine de l’offshoring

En 2011 le succès de notre pays dans le classement AT Kearney était dû à une combinaison de plusieurs facteurs qui attirent les investisseurs étrangers :

  • Le coût de la main d’œuvre : Comparé aux pays du Maghreb, le Sénégal offre une main-d’œuvre bon marché, avec un salaire annuel de 3 700 euros contre 5 500 euros au Maroc.
  • Des règles fiscales plus souples: L’état sénégalais a simplifié et assoupli les procédures et règles fiscales, pour permettre une plus grande marge de manœuvre aux investisseurs étrangers. Ce geste est apprécié par les investisseurs d’autant plus que le dernier code fiscal de 2013 innove sensiblement en simplicité.
  • En plus de tous ces atouts notre pays possède l’un des réseaux téléphoniques les plus développés d’Afrique et un secteur TIC de plus en plus performant et dynamique. Depuis 2011, de nombreux centres d’appels, de télémarketing et de télé saisie se sont développés offrant des emplois à la jeunesse.

Mais ce développement est en deçà de ce que l’on pourrait attendre de ce secteur si les pouvoirs publics en faisaient une priorité, comme ça a été le cas en Tunisie et au Maroc. Dans ces deux pays de nombreuses structures dédiées à l’offshoring ont été créées ces dernières années. Les exemples les plus significatifs sont le Technopolis à Rabat, la technopole El Ghazala en Tunisie ou la technopole de Casablanca « CasaNearshore ».

Il est intéressant de relater le modèle d’investissement du Maroc pour montrer comment gagner des parts de marchés considérables dans l’offshoring et le BPO qui est devenu un de leurs  leviers les plus efficaces de lutte contre le chômage. Nous étudierons le cas du Maroc à travers la plateforme du CasaNearshore Park.

II – Les atouts du Maroc en offshoring: l’exemple du CasaNearShore Park

Le Maroc profite de sa proximité géographique et culturelle avec l’Europe continentale, la qualité des infrastructures et les nombreuses incitations fiscales et financières pour réaliser les activités de  Nearshore[3] qui ont fait de Casablanca la destination privilégiée des plus grandes multinationales pour la délocalisation de leurs activités de service. Le Maroc a décroché le titre de meilleure destination de l’offshoring pour l’année 2012. Cette consécration lui a été décernée le 27 juin dernier au siège de la Law Society à Londres, par l’Association européenne de l’outsourcing (EOA[4]).

Les années 2000 ont été marquées pour le Maroc par le lancement du plan « Emergence », un plan qui vise à développer son offre Offshoring. D’ailleurs, on remarque que ce plan a apporté des résultats satisfaisants. En 2009, le secteur de l’offshoring au Maroc réalisait un chiffre d’affaires 500 Millions d’euros. Pour développer ses atouts, le Maroc compte lancer une politique de formation professionnelle de ses employés pour renforcer leurs compétences. Parmi les objectifs de ce programme, la formation des employés à maîtriser plusieurs langues est une des priorités. Cette aptitude permettra au pays de bénéficier aussi de contrats d’externalisation venant non seulement des pays francophones et hispaniques mais aussi anglophones.

Sur le plan des infrastructures et bien que le Maroc soit classé 75e au niveau mondial en termes d’acquisition des NTIC, il propose un projet stratégique sous forme d’un parc de 53 hectares CasaShore (filiale de la holding CDG[5] Development du groupe CDG) qui répond en grande partie aux normes internationales autour des NTIC à des coûts très compétitifs (5300 francs cfa/m2).

Sur le plan fiscal, le Maroc propose un package très incitatif qui exonère les entreprises de l’IS pendant les cinq premières années et un abattement de 50% par la suite, et aussi d’un Impôt sur le Revenu de 20% pour l’ensemble des employés travaillant dans le cadre de l’Offshoring. Enfin, les différentes entreprises installées au Maroc dans ce cadre bénéficieront d’une enveloppe dédiée à la formation continue d’environ 3 Millions de francs cfa sur trois ans. Le Maroc a mis en place aussi en place une enveloppe budgétaire très importante, répondant aux attentes des entreprises. Il se traduit par le programme de formation Offshoring où participent une vingtaine d’établissements publics d’enseignement supérieur, le programme 10000 ingénieurs et le programme de la formation continue. Le Maroc est très confiant avec des chiffres très encourageant sur la baisse du chômage avec un taux en dessous de 10% dû en grande partie à la création d’environ de plus de 800 000 emplois depuis 2006 dont 350 000 dans les services. Les investissements étrangers ont dépassé 12 milliards de dollars durant les dix dernières années. C’est dans ce contexte que plusieurs multinationales comme IBM, Steria, Accenture, Capgemini, ATOS, et Axa assurances etc. s’y sont installées.

Les chiffres clés de Casablanca NearShore Park en 2012:

·         3.5 Millions d’euros d’investissements

·         Site intégré au sein d’un espace dédié de 50 hectares

·         Plus de 300 000 m2 d’espaces de travail et de services à la pointe de la technologie

·         20 000 emplois sur site

·         5 Milliards de contribution au PIB marocain à l’horizon 2015

·         Plus de 100 Multinationales installées

·         Selon l’Association marocaine de la relation client (AMRC), l’offshoring a permis à la fin de 2011, la création de 52.000 emplois et réalisé un chiffre d’affaires de 450 milliards de francs cfa. Les centres d’appels offrent à eux seuls, plus de 40.000 emplois au Maroc.

·         Le gouvernement table d’ici 2015, sur 100.000 emplois dans les diverses activités de l’offshoring, dont 70.000 actifs rien que dans les centres d’appels. Pour y parvenir, les efforts publics devraient désormais se focaliser sur le BPO (tâches fonctionnelles) particulièrement le client relationship management (CRM) et l’externalisation informatique ou ITO (IT Outsourcing)

III – L’Afrique bouscule la nouvelle carte de redistribution de l’offshoring : Le Sénégal devrait jouer un rôle majeur

Il est évident qu’une nouvelle carte de redistribution de l’offshoring se redessine. Malgré le maintien de l’Inde comme leader du marché avec 43 % des parts pour les prestations informatiques externalisées nous constatons que l’essoufflement de l’Europe de l’Est permet à  l’Afrique de percer dans ce secteur. Le Maroc joue sa partition et prend une option de leader avec comme nous l’avons vu plus haut une politique volontariste appuyée par leurs pouvoirs publics.

D’après une étude comparative menée par le cabinet de conseil tunisien Audinet paru en 2011, le Maroc, la Tunisie et le Sénégal seraient les pays les plus performants en matière de centres d’appels. Le nombre de télé-salariés marocains a été multiplié par 10 en 4 ans. En Tunisie, les centres d’appels sont considérés parmi les plus importants pour la création d’emplois. Le Sénégal compte avec les sociétés comme le PCCI (plus de 1000 postes de travail), AFRICATEL AVS (+50 postes de travail) et Call-Me (+100 postes de travail). La volonté de mettre en place une politique planifiée allant dans le sens de concurrencer le CasaNearShore ou la technopole El Ghazala en Tunisie. Nous considérons que notre pays a tous les atouts nécessaires pour prendre une plus grande part de marché dans le secteur de l’Offshore. Malgré les bonnes performances du PCCI, Call-Me, Africatel et autres sociétés d’outsourcing, les performances sont en deçà de nos capacités.

L’objectif du projet que nous souhaitons voir initier par nos pouvoirs publics n’est pas de développer seulement l’offre de centres d’appels téléphoniques. Nos atouts nous permettent de passer par cet offshoring de support pour aller vers la création d’une technopole concurrentielle au niveau du continent pour notre pays, car nous avons une infrastructure de télécommunication d’une grande qualité et en termes de formation nous avons un enseignement de haut niveau reconnu de par le monde. L’ESP[6] et l’UGB[7] sont des références dans ce domaine.

Mais au-delà d’infrastructures adéquates et de l’incontestable qualité de nos ressources humaines, nous pouvons mettre en avant d’autres avantages concurrentiels. L’avantage de la distance n’est pas négligeable. Dakar est à une heure de moins de Paris, Berlin ou Bruxelles que de New Delhi et d’au moins de trois heures plus proche que de Bangalore et sur le Maghreb nous pourrons jouer la carte de la réduction des coûts pour nos futurs clients.

Il est important de réussir la mise en place d’infrastructures de qualité, afin de rassurer les clients qui viendront s’assurer de l’excellence de son état car le secteur qui est évoqué ici est plus complexe que celui de la téléphonie où des choses intéressantes ont été faites et sont à encourager depuis quelques années.

IV – Pourquoi choisir le Sénégal

Pour entrer dans le club fermé des destinations d’Offshoring reconnues dans le monde, il nous faut travailler sur l’attractivité de la destination Sénégal afin qu’elle soit considérée comme une option sérieuse dans les décisions d’offshoring des acteurs de référence du système d’information, des éditeurs, des télécoms et plus généralement du service.

a)   Créer une offre dédiée Sénégal

Afin d’exploiter ses potentialités, notre stratégie industrielle devra  viser à renforcer l’attractivité à travers la définition d’une offre dédiée articulée autour de cinq volets :

·         Un cadre incitatif attractif autour d’un Impôt sur le Revenu plafonné à un niveau concurrentiel discuté entre les partenaires sociaux le Minefi[8] et le ministère de la promotion des investissements et des partenariats.

·         Une offre d’infrastructure performante en télécommunication

·         Une offre immobilière diversifiée et conforme aux meilleurs standards internationaux

·         Une offre  adaptée de cofinancement par rapport aux  besoins des investisseurs dans le secteur de l’Offshoring.

·          Un dispositif de développement des Ressources Humaines qualifiées, avec :

–          Un plan de formation  adapté aux besoins du secteur de l’Offshoring

–          Un système d’aide aux opérateurs dans leurs efforts de formation à l’embauche et en formation continue

b)       Une forte compétitivité sur les coûts

Avec le faible coût de notre main-d’œuvre accompagné d’incitations économiques et fiscales  nous pouvons présenter  le Sénégal  comme un pays très attrayant sur le plan des coûts d’exploitation :

A titre indicatif la comparaison des coûts entre le Sénégal et le Maghreb pour le coût de main d’œuvre peut aller jusqu’à -35 % à notre avantage. Il faudra créer un cadre incitatif comparable sur l’impôt sur les sociétés et les coûts de télécoms.
Sur l’ensemble des coûts notre avantage est chiffré à -25% par rapport aux pays du Maghreb.

c)       Un environnement favorable

Outre les mesures stratégiques à adopter pour renforcer l’attractivité de la destination Sénégal, notre pays  dispose d’atouts certains, favorables à l’émergence et à l’accroissement d’un secteur de l’Offshoring dynamique et compétitif :

• Coûts de main d’œuvre considérablement compétitifs par rapport à la Roumanie, l’Egypte ou l’Afrique du Sud, nos concurrents directs en Offshore. Les pays du Maghreb représentant du NearShore pour l’Europe notre principal marché sont tout autant moins compétitifs que nous sur le coût d’un travailleur[9].

• Ressources humaines abondantes, maîtrisant le français et l’anglais

• Proximité géographique par rapport à l’Europe de l’Ouest: 5h d’avion et 1 à 2h de décalage horaire.

• Stabilité politique avec un système démocratique mature avec une culture d’ouverture et de tolérance

• Performance économique récente favorable

• Croissance basée sur des fondamentaux sains

d)       Quelques recommandations pour des infrastructures et services répondant au standard international

Pour le site dédié qui devra être le socle du projet, l’APIX[10] pourrait être mis à profit pour orienter la construction de la zone économique spéciale intégrée de Dakar afin de mettre à disposition certains prérequis par rapport aux points suivants.

•          Zone géographique dédiée au projet, installée à proximité du centre d’affaire de Dakar ou de la zone économique spéciale intégrée de Dakar.

•          Plateaux de bureaux prêts à l’emploi (pré câblés, climatisés, modulables)

•          Services d’accompagnement performants : Business Center, Guichet Unique, Restauration, sport, téléphonie

•          Boucle télécoms « carrier grade »[11] avec réseau VPN IP performant.

•          Infrastructure et services télécoms gérés par un opérateur dédié, avec connexion à débit garanti

•          Autonomie énergétique

•          Présence et intervention sur site 24h/24 et 7j/7

•          SLA[12] spécial pour la zone dédiée au projet. Le non-respect des délais est juste rédhibitoire dans la gestion des projets internationaux. Sur ce point une révolution culturelle est impérative dans le respect des deadlines pour les livrables projets.

V – Financement de l’Offshoring : l’argument du partenariat gagnant-gagnant

C’est lors de sa visite au Maroc, dans la première quinzaine de décembre 2012, que le Premier ministre français Jean Marc Ayrault a vanté les mérites de ce qu’il a appelé « colocalisation » en termes de « partenariat gagnant-gagnant ».  Car le premier ministre français en parlant de leur partenariat avec le Maroc, a déclaré qu’à l’inverse de la délocalisation, destructrice d’emplois, la « colocalisation » « si elle résulte d’une analyse fine de la valeur ajoutée […] peut être bénéfique et soutenir l’activité des deux côtés de la Méditerranée ».

Le secteur de l’IT est l’un des partenariats les plus forts entre la France et le Maroc. L’Agence française de développement (AFD) octroie à la filiale de la Caisse des dépôts marocaine un prêt de 150 Millions d’euros en faveur de MEDZ[13] qui est en charge du développement des technopoles IT et BPO marocaines. Dans cette enveloppe, un prêt d’un montant de 100 Millions d’euros est clairement destiné au refinancement des activités offshoring développées par la société CasaNearshore.

Ce qui nous fait dire que le projet de développer un offshoring de qualité malgré la demande de financement conséquent que cela demandera, s’il est bien conçu suscitera un fort intérêt pour nos partenaires au développement pour leur assurer la maintenance, l’exploitation et la qualité des systèmes d’information de leurs grandes sociétés de SI.

VI – Les  risques d’une politique d’offshoring low cost et sans valeur ajoutée:

Un projet d’envergure comme celui que nous décrivons est certes porteur d’emplois et d’espoir mais comporte aussi certains risques. Relever ces risques ne remet pas en question la pertinence du projet mais invite surtout les autorités étatiques, les investisseurs et les acteurs sociaux à essayer de les maîtriser au mieux. Il faut préciser que les emplois créés à travers l’OffShoring risquent d’être volatiles si certaines mesures d’accompagnement ne sont pas  prises. En effet, en perdant l’un des facteurs clefs de succès de notre offre, on risquerait de voir certaines entreprises de services quitter notre pays vers d’autres destinations. Si un autre pays, toute chose égale par ailleurs, propose par exemple un package fiscal beaucoup plus attractif que celui proposé par notre offre, nos investisseurs quitteront le pays.

Certes les investissements étrangers via l’Offshoring permettent de répondre en grande partie au problème du chômage par la création de milliers d’emplois, mais nous devons veiller à ce que ces emplois (comme ceux dans le télémarketing qui sont à très faible valeur ajoutée) ne soient pas des emplois pérennes pour les employés diplômés de niveau bac+5/4 au risque de tuer une certaine capacité d’innovation et de créativité de nos cadres supérieurs. Nous devons être très vigilants dans l’évaluation des différents enjeux de l’Offshoring et tout mettre en œuvre pour converger vers une réelle société du savoir et pas une société qui met le savoir au rabais. Ces emplois pourraient être néanmoins très utiles pour les étudiants en cours de formation pour développer leur employabilité, leur pouvoir d’achat  et dans certains cas ils les aident à développer certaines aptitudes linguistiques (avec des contrats anglophones, hispaniques, lusophones ou arabes).Sur le plan social, nous devrons admettre l’idée d’une dynamique salariale contenue. Car il faudra veiller à ce que les salaires  n’atteignent pas des niveaux qui remettraient en cause notre  principal argument de justification de réduction des coûts pour les multinationales.

VII – Les 8 recommandations d’IPODE pour construire l’offre d’Offshoring au Sénégal

Si la volonté de prendre des parts de marché dans le secteur de l’offshoring est réelle, la décision doit en être vite prise et le projet piloté avec prudence et professionnalisme. Pour y arriver il nous faudra naturellement des axes d’amélioration sur certains points évoqués plus haut, pour faire de Dakar une future « Sillicon Valley » Ouest africain attrayante et génératrice d’emplois durables et stables. Pour ce projet ambitieux nos recommandations sont les suivantes :

1.    Evaluer et allouer un budget conséquent pour nous doter  d’un campus de qualité à l’ESP qui sera une université aux normes internationales avec des infrastructures pédagogiques, sportives, culturelles et d’hébergement de haute qualité. Sur les aspects pédagogiques nous faisons toute confiance au corps professoral.

2.    Demander à une agence comme l’APIX et au nouveau ministère de la promotion des investissements et des partenariats de faire une étude de marché bien ficelée et des études commerciales prospectives pour évaluer et améliorer notre compétitivité pour notre future offre de service d’offshoring.

3.    Initier un partenariat Etat-entreprises de télécom (et prioritairement avec Orange Sénégal et la Sonatel) pour la maintenance de nos réseaux et pour assurer une évolution facile de notre infrastructure pour le campus et pour le futur site accueillant les entreprises. Ensuite veiller à être à niveau sur les standards de communication de pointe au niveau mondial. L’état devra investir pour soutenir les entreprises dans l’acquisition d’un très bon réseau VPN IP qui est un minimum opérationnel avec la mise en place d’une sécurité informatique et de télécommunication sans faille sur le site.

4.    Nouer des partenariats avec les grandes entreprises majeures et propriétaires de solutions sur le marché mondial comme : Microsoft, Apple, Google, SAP, Delta, HP, Citrix  etc. pour un accès privilégié à leur hardware et software en année de formation pour les étudiants. Ainsi négocier avec ces derniers une participation conséquente dans le budget de Recherche & Développement du Campus en mode gagnant-gagnant.

5.    Lancer une négociation entre les travailleurs du secteur, les syndicats de patron et l’état pour travailler sur un pacte de stabilité sociale du secteur SSII adossée sur une convention collective avantageuse pour les travailleurs, une fiscalité attractive pour les investisseurs. Ceci pour deux raisons: le facteur de stabilité sociale et le coût de la main d’œuvre vont être les facteurs  clef de succès de notre offre. Sur le dernier point une étude de l’APIX faite en 2009 nous montre que nous avons un avantage non négligeable en la matière. L’étude nous renseigne que le salaire moyen annuel d’un téléacteur est de 3700 euros (près de 308 euros/mois) au Sénégal contre 4200 (près de 350 euros/mois) en Île Maurice, 5200 (près de 433 euros/mois) en Tunisie et 5500 (près de 458 euros/mois).

6.    Fournir au projet une autonomie en énergie. Ce projet ne devra pas dépendre des recherches de solutions entamées pour résoudre ce frein à l’investissement qu’est notre déficit énergétique chronique.

7.     Demander au ministère de l’enseignement supérieur  de négocier un campus commun dans la capitale avec tous les acteurs de l’enseignement supérieur. Ce campus devra réunir toutes les écoles supérieures  accréditées et «diplomantes» pour une université unique afin d’avoir une uniformisation de la formation dans le domaine de l’informatique et des télécommunications. Cette unification nous dotera d’une université de renom et bien classée en Afrique tant la mutualisation des moyens et des compétences sera bien faite. La prolifération des écoles de formation supérieure sans véritable moyens dans ce domaine tend à déprécier le niveau global de notre pays.

8.    La participation de l’état doit refléter son ambition affichée de faire de l’emploi des jeunes une priorité nationale et nous la chiffrons au moins à cinquante pourcent du budget. Le Fonds Souverain d’Investissements Stratégiques « Fonsis » devra être le partenaire privilégié des investisseurs de ce projet en apportant les fonds propres nécessaires pour son démarrage.

Conclusion :

De la mise en route de ces recommandations découlera une offre maîtrisée du Sénégal dans le marché de dizaines de milliers d’emplois qu’offrent l’offshoring et le BPO. Nous pourrons nous orienter ensuite dans la création d’entreprises de développement, d’édition de logiciel, de service de maintenance, d’assistance de niveau élevé et de déploiement de solutions intégrées au sein de la technopole. Notre ambition pour le Sénégal à travers ce projet, n’est pas de se contenter du seul marché francophone où nos avantages sont un peu plus évidents, mais de développer dans le programme pédagogique du futur campus les moyens nécessaires pour hisser le plus haut possible le niveau en anglais des étudiants pour être concurrentiel sur le marché mondial et d’aller explorer des parts de marché partout où les projets de grande envergure seront lancés. A cette fin des programmes d’échange semestriel dans les universités anglophones africaines seront une bonne expérience pour nos futurs cadres en leur ouvrant des horizons nouveaux en termes d’expérience de multi-culturalités et renforceront l’intégration africaine. Ce projet est d’autant plus accessible que nous sommes perçus dans le reste du monde comme un pays stable, avec une démocratie mature et un peuple tolérant et ouvert. D’ailleurs cet avantage est relevé dans la note du cabinet standard & Poors du 16 Juillet 2012 confirmant le «B+» de notre dette en devise. Cette image que nous nous sommes construite est notre plus grande valeur ajoutée, un pays où il fait bon de vivre avec une sécurité des investissements est toujours attractif. Il faudra que notre marché du travail assure à nos futurs clients une stabilité sociale entre les différents acteurs sociaux pour qu’ils se projettent sainement et avec intérêt dans ce projet. Nous parions qu’en prenant le risque d’explorer cette voie, le régime en place fera gagner à notre pays avant les cinq prochaines années, des milliers d’emplois directs et indirects de haute qualité autour du secteur des services.

Au-delà du principe de délocalisation, il apparaît dernièrement une notion toute récente qu’est le « Bestshore » comme la nomme les américains. Cette notion renferme la meilleure localisation pour les multinationales compte tenu de différentes contraintes qui peuvent être financières, organisationnelles, culturelles ou géographiques. Notre offre d’offshore devrait être perçu finalement comme du Bestshore pour nos futurs partenaires tant elle sera attractive et maîtrisée.

M’adressant aux autorités de notre pays et à la majorité politique en place, je leur dirai que cette opportunité ne doit pas être négligée pour une stabilité sociale durable et pour un meilleur espoir dans l’avenir de notre jeunesse méritante.

Mohamed LY pour le Think tank Ipode

www.thinktank-ipode.org

twitter: @ly_mohamed

________________________________

[1] Business Process Outsourcing : Selon l’EOA (European Outsourcing Association), le BPO (Business Process Outsourcing) peut être défini comme la délégation d’un ou plusieurs domaines d’activités, fonctions ou processus de l’entreprise à un fournisseur extérieur et indépendant de son client

[2] Selon Ray Lavitt, président  de la direction CORE, une société canadienne sans but lucratif qui soutient les entreprises dans la recherche de moyens d’externalisation, l’outsourcing peut permettre de résoudre le problème lié à la concurrence locale. Il soutient qu’en essayant de réduire ses coûts, une société qui choisit d’externaliser peut améliorer sa compétitivité que ce soit sur le marché local canadien ou international. Pour Ray Lavitt, une société externe peut réaliser avec des coûts réduits, ce qu’une entreprise peut faire elle-même.

[3] Le Nearshore Outsourcing désigne l’externalisation de services sur le même territoire ou sur un territoire proche géographiquement. Pour une société en France, le nearshore outsourcing concerne en particulier l’externalisation dans les pays du Maghreb ou d’Europe de l’Est. Aux USA, on parle de nearshore outsourcing lorsque les services sont réalisés au Mexique ou au Canada.

[4] European Outsourcing  Association

[5] Caisse de Dépôt et de Gestion – Maroc

[6] ESP : Ecole supérieure Polytechnique

[7] Université Gaston Berger avec son UFR Génie informatique

[8] Ministère de l’économie et des finances

[9] Source institut Everest 2009

[10] L’APIX est l’agence pour les investissements et les grands travaux du Sénégal. Elle est chargée de superviser : (i) la mise en œuvre des stratégies et programmes d’impulsion de l’investissement privé

(ii) la réalisation d’infrastructures économiques de base.

[11] La technologie Carrier Grade Ethernet (CGE) est établie suivant  cinq critères la distinguant du LAN Ethernet : services standardisés, évolutivité, fiabilité, qualité de service et gestion des services. Ces attributs fournissent les capacités de classe exploitant pour convertir le LAN Ethernet traditionnel en technologie adaptée au déploiement chez les fournisseurs de service Metro et dans les réseaux étendus (MAN et WAN). Les fournisseurs peuvent utiliser des services métiers CGE pour offrir ces capacités tout en minimisant leurs coûts comparés aux autres technologies.

[12] Service Level Agreement ou SLA: est l’ensemble des  accords régissant une qualité de service. Ils sont définis contractuellement sur des points précis avec des pénalités en cas d’incident. Les SLA ne peuvent être définis et respectés qu’avec des outils permettant de surveiller et de mesurer efficacement les engagements  (performance des réseaux, etc.)

[13] MEDZ est une filiale de CDG Développement, MEDZ créée en 2002 sous le nom de Maroc Hôtels & Villages (MHV), afin d’accompagner la « Vision 2010 » du secteur touristique. En 2005, elle saisit l’opportunité d’un Maroc en mouvement pour élargir son périmètre d’intervention à la conception, l’aménagement, le développement et la gestion de nouvelles zones d’activités spécialisées et intégrées.

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