vendredi, mars 29, 2024

Syrie : Obama saisit la main tendue par les Russes

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Soulagement à Washington, autant qu’incrédulité. Une porte de sortie s’est soudainement dessinée, lundi 9 septembre, dans la crise syrienne. Le président Barack Obama, qui avait prévu d’utiliser ses interviews aux six principales chaînes de télé, lundi soir, pour convaincre les parlementaires de soutenir sa stratégie de frappes limitées contre le régime de Bachar Al-Assad, a créé la surprise en indiquant qu’il était prêt à « suspendre » l’action militaire si le dictateur syrien acceptait de placer ses armes chimiques sous le contrôle de la communauté internationale. Cette proposition, avancée par la Russie, pourrait constituer une « percée significative », a jugé le président, vingt-quatre heures avant de s’adresser au peuple américain, non pas depuis le bureau Ovale, mais de l’East Room, un salon moins solennel. L’idée de mettre les armes chimiques syriennes sous séquestre a été lancée presque par inadvertance par le secrétaire d’Etat John Kerry, dans la matinée à Londres. Un journaliste lui a demandé s’il restait pour Bachar Al-Assad une possibilité d’éviter les frappes. « Bien sûr, s’est exclamé le ministre. Il pourrait remettre toutes ses armes chimiques à la communauté internationale dans la semaine – les remettre dans leur totalité, sans délai, et permettre leur décompte plein et entier. Mais il n’est pas près de le faire, et il ne le peut pas. » Le département d’Etat a vite fait savoir que le commentaire de M. Kerry était « hypothétique » et non pas une proposition en règle, encore moins un ultimatum. Mais dans l’avion qui le ramenait à Washington, le secrétaire d’Etat a reçu un coup de fil de son homologue russe, Sergueï Lavrov. Moins de deux heures plus tard, M. Lavrov appelait les autorités syriennes à placer leur stock d’armes chimiques sous contrôle international, en vue de leur destruction, et à adhérer à l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques. Le ministre syrien Walid Mouallem, qui était justement à Moscou, accueillait « favorablement » l’initiative. « POUTINE VIENT D’OFFRIR À OBAMA UNE BOUÉE DE SAUVETAGE » Ce qui était devenu la « proposition russe » a rebondi, de Londres, où David Cameron l’a jugée « particulièrement bienvenue », à New York, où le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a proposé la création de zones tampons supervisées par l’ONU, où les armes chimiques pourraient être détruites. A Washington, l’administration Obama a été prise à revers, mais elle a vu rapidement l’intérêt de la situation. « Nous allons étudier sérieusement » la proposition, a réagi Tony Blinken, le conseiller adjoint à la sécurité nationale. Mais pas question de baisser la garde. L’offre de Moscou est le signe que « la pression qu’exerce le président » a payé. L’idée a rapidement fait boule de neige. Hillary Clinton, qui était à la Maison Blanche pour une réunion sur le trafic d’animaux sauvages, a estimé que l’initiative russe était un « pas important ». « Mais elle ne peut pas être une nouvelle excuse pour retarder ou faire obstruction. » L’influente sénatrice démocrate Dianne Feinstein, poursuivie par les foudres de ses électeurs californiens pour son soutien aux frappes, a aussitôt approuvé le plan russe. Et son collègue Harry Reid, qui avait d’abord décidé de le maintenir, a annoncé le report du vote qui était prévu mercredi au Sénat sur la résolution autorisant les frappes. Rassurée, la Bourse a fini en hausse. « Poutine vient d’offrir à Obama une bouée de sauvetage : une solution diplomatique qui permet le report d’un vote qu’il allait peut-être perdre », a commenté l’ancien porte-parole du département d’Etat Philip Crowley. Seuls quelques spécialistes ont mis en avant la complexité qu’il y a à se saisir de plusieurs centaines de tonnes de gaz neurotoxiques dans un pays en guerre. Sans parler de la difficulté de vérifier que l’ensemble des stocks ont été récupérés, une entreprise qui a pris une décennie en Irak. UN APARTÉ DE PRÈS DE TRENTE MINUTES À SAINT-PÉTERSBOURG En fin de journée, la Maison Blanche en était pratiquement à revendiquer l’idée du passage des armes chimiques de Bachar Al-Assad sous contrôle international – une suggestion qui avait d’ailleurs été faite il y a un an par Richard Lugar, un républicain proche du président. Barack Obama a lui-même indiqué, dans son entretien accordé à NBC, qu’il avait déjà évoqué ce scénario avec Vladimir Poutine. Interrogé par Le Monde, un haut responsable de l’administration a affirmé que les deux dirigeants avaient eu cette conversation il y a plus d’un an, et notamment au G20 de Los Cabos (Mexique) en juin 2012. Les deux hommes en auraient de nouveau discuté au sommet de Saint-Pétersbourg, où ils ont eu un aparté de près de trente minutes, bien qu’ils soient très en froid. La discussion a eu lieu vendredi 6 septembre, en séance plénière. « Poutine a approché le président, a raconté un haut responsable américain aux journalistes voyageant dans l’avion présidentiel. Ils ont échangé quelques mots, puis ils ont décidé de continuer dans un coin de la pièce. Ils ont amené des chaises et ils se sont assis pendant que les autres leaders regardaient. » Le tête-à-tête a été presque entièrement consacré à la Syrie. « Mais sans acrimonie », a assuré la même source. Le sénateur John McCain a proposé de soumettre très vite une résolution à l’ONU pour tester la sincérité des Russes. Dans les interviews qu’il a données lundi soir, M. Obama s’est déclaré « sceptique », compte tenu du comportement de Moscou depuis deux ans. « Et nous ne voulons pas de tactique dilatoire ou d’obstruction. » Il a aussi insisté sur la nécessité de maintenir la crédibilité de la menace militaire. « C’est pour cela que je vais faire quand même mon discours à la nation pour expliquer pourquoi je pense que c’est si important. » Mais, selon lui, les événements donnent du temps au Congrès pour se prononcer. « Je ne prévois pas que vous verrez une succession de votes cette semaine, ou à un quelconque moment dans le futur immédiat », a-t-il dit sur ABC. ÉNORME RÉPROBATION DANS LE PAYS PROFOND Le président, qui a reconnu à demi-mot qu’il n’avait pas les votes nécessaires, a pris acte de l’énorme réprobation qu’est en train de susciter dans le pays profond la perspective de nouvelles frappes au Proche-Orient. Les membres de l’administration, président en tête, ont beau répéter que « ce n’est ni l’Irak, ni l’Afghanistan, ni même la Libye « , les oppositions s’accumulent d’autant que le message est brouillé. La situation syrienne est présentée comme relevant de l’intérêt national des Etats-Unis (ce que ne croient pas 72 % des Américains, selon un sondage CNN), mais les frappes annoncées sont chaque jour plus « limitées ». John Kerry a même parlé, lundi, d’un effort « incroyablement petit » (unbelievably small). Remarque « incroyablement inutile », a cinglé John McCain. Barack Obama a admis qu’il n’arrivait pas à convaincre les Américains, lui qui, pendant deux ans, leur a expliqué pourquoi il observait une ligne de non-intervention en Syrie. Et qui reconnaît lui-même qu’il « a été élu pour mettre fin aux guerres pas pour en commencer ». Lundi, il a répété qu’il comprenait les réticences de ses compatriotes. « Si vous demandez à quelqu’un, si vous demandez à Michelle [son épouse], est-ce que nous voulons nous mêler d’une autre guerre ? La réponse est non », a-t-il dit .

Setal

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