Mardi 24 septembre, au petit matin, j’ai reçu une lettre que je me suis empressé d’ouvrir, tant l’expéditeur n’est pas coutumier du fait. Je ne me souviens pas, en effet, avoir une fois reçu une lettre de Khalifa Sall, le maire de Dakar. Dans la correspondance, j’apprends que l’équipe municipale de la capitale a tardé à boucler son budget, constitué à 80% de recettes fiscales. La faute, m’apprend-t-on, au nouveau Code des impôts. Bof, je n’avais même pas fait attention.
Justement malgré ces désagréments, «élus et agents municipaux ont pu accomplir leur mission au service de Dakar», lit-on dans la correspondance. Chapeau ! Khalifa Sall ne s’est pas arrêté en si bon chemin. «Durant les sept premiers mois de 2013, poursuit-il, la redistribution de l’espace urbain a été la plus exigeante des entreprises. Il a fallu (procéder à) la réorganisation du stationnement sur certaines avenues ou (à) la relocalisation des marchands tabliers sur des sites provisoires.» Ces opérations devraient permettre «l’exécution des projets d’envergure qui feront évoluer le visage de notre ville».
La lettre commençait à sentir mauvais. M’accrochant de toutes mes forces à la fine branche du dernier rameau d’espoir qui passait sous mon nez, je décide de parcourir les lignes suivantes. Mon désappointement en sera plus marqué. Car pour le reste, le maire de Dakar ne m’a tendu à la figure qu’un chapelet perlé de ses réalisations et de ses projets futurs. Dans ce contexte de pré-Locales, si ce n’est pas le lancement de la campagne pour sa réélection, ça en a tout l’air. Mais là n’est pas le problème. Peut-on vraiment reprocher à un homme politique, de surcroît qui travaille bien pour ses mandats (parce qu’il faut le reconnaître, Khalifa Sall mouille le maillot), d’exhiber ses réalisations à l’approche d’une consultation électorale ?
Là où le bât blesse, c’est le timing. Le contexte dans lequel cette correspondance est tombée dans ma boîte à lettre. Elle pue une farce de mauvais goût. Depuis une quinzaine de jours, Dakar est tenaillé par une pénurie d’eau. Ses habitants érodent leurs muscles, usent leurs sandales, leurs méninges ainsi que leur budget pour se procurer le liquide précieux. Le problème est si grave que le chef de l’Etat, Macky Sall, a écourté son séjour à New York pour les besoins de l’Assemblée générale des Nations-Unies. Non content d’être aux abonnés absents (à ma connaissance) aux côtés de ses administrés- ce qui est déjà grave-, Khalifa Sall ose nous divertir.
A quoi bon pinailler sur le futur de Dakar au moment où le présent de ses habitants, renvoyés à leur passé lointain, est pourri ? Le maire de Dakar aurait dû retourner mille fois cette question dans sa tête avant de nous balancer sa lettre hors sujet. Il lui est loisible d’invoquer ses 9 domaines de compétences pour expliquer sa décision (?) de garder la tête hors de l’eau, mais ça ne tient pas. Un maire, ça doit être, à tout moment, aux côtés de ses populations, surtout lorsque les temps sont durs. Ce, quelles qu’en soient les causes.
Mais, nous ne désespérons pas. Sachant le bonhomme humain et pondéré, nous espérons qu’il va rattraper le coup. Par une action d’envergure ou à tout le moins, en postant, à la suite de sa correspondance, un Post scriptum de rattrapage pour nous remonter le moral et nous exprimer sa sympathie. C’est mieux que rien.
Cheikh Ibrahima FALL
PS : Au moment de boucler ces lignes, l’on apprend que le maire de Khalifa Sall a décidé, depuis avant-hier, jeudi 26 septembre, deux jours après la publication de sa «Lettre aux Dakarois», de mobiliser des camions citernes remplis d’eau pour étancher la soif de ses administrés. Mieux vaut tard que jamais !
Source: http://www.rewmi.com