vendredi, avril 19, 2024

Business Schools : un réel business à Dakar !

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Les écoles privées, de commerce, de gestion ou de communication, rayonnent dans toute la région. Les clés de leur succès ? Un enseignement de qualité et des partenariats prestigieux.

Dakar, elles prolifèrent à chaque coin de rue. Depuis la première moitié des années 2000, des business schools aux sigles souvent interchangeables se multiplient dans la capitale sénégalaise. « En 1995, lors de la signature de l’accord-cadre régissant l’enseignement supérieur privé, nous étions huit établissements signataires », se rappelle Pape Madické Diop, qui était à l’époque directeur du développement de Sup de Co (il est aujourd’hui le directeur général de BEM Dakar, partenaire local de l’École de management de Bordeaux). « Mais, constate-t-il, à présent, personne n’est en mesure de chiffrer le nombre d’établissements : 140, 180, 220 ? »

À Dakar, les business schools sont elles-mêmes devenues un business. Si le boom des instituts privés d’enseignement supérieur s’étend à la restauration ou à la communication, les écoles de commerce, de management et de gestion tiennent le haut du pavé.

Dans un pays réputé de longue date pour la qualité de son enseignement public, les écoles privées ont d’abord représenté une force d’appoint marginale. En 1993, Aboubacar Sedikhe Sy fonde l’École supérieure de commerce de Dakar (Sup de Co). « Mon père, qui était alors dirigeant d’une agence de com, s’était rendu compte qu’il avait du mal à trouver du personnel qualifié », souligne Yasmine Sy, responsable de la qualité et des relations internationales de l’école.

Avec d’autres chefs d’entreprise, Sy fonde une business school adaptée aux besoins. Progressivement, l’école de commerce débouche sur la création d’un groupe comprenant un Institut supérieur des transports, un pôle technologie (Sup de Co Technologie) et un pôle privilégiant la formation en alternance (l’Institut Mercure). C’est également dans les années 1990 que sont fondés l’Institut supérieur de management (ISM) et l’Institut africain de management (IAM), qui ont développé au fil des ans des partenariats avec différentes universités et écoles de renommée internationale comme Georgetown University ou l’Ieseg.
Bacheliers

Dix ans plus tard, ces augustes pionniers assistent à l’explosion de la concurrence. « Le phénomène remonte aux années 2004-2005, raconte Yasmine Sy. Et il s’est renforcé depuis cinq ans en raison de la crise de l’enseignement public. » Ouverture de plus en plus tardive de l’année académique, sous-capacité structurelle ne permettant plus d’absorber un nombre croissant de bacheliers… Les instituts privés surfent sur les carences du système public et ouvrent à tour de bras. Dans ce qui est devenu une jungle, il est désormais bien difficile de séparer le bon grain de l’ivraie… Après un agrément provisoire d’un an, les services de l’État sont censés mener un audit avant de délivrer un agrément définitif. Mais, dans les faits, ce contrôle n’a rien de systématique, et les écoles prospèrent sans véritable certification.

Floraison
Pour y remédier, une Agence nationale de l’assurance qualité pour l’enseignement supérieur public (Anac-Sup) a été créée. « Il lui appartient de veiller aux agréments définitifs afin que les diplômes soient conformes aux normes fixées par l’État », précise Pape Madické Diop.

« À l’origine de ce phénomène, il y a le fait que les principales business schools ont misé sur la qualité et sur les certifications internationales », analyse Moustapha Guirassy, directeur de l’IAM.

Face à cette floraison d’établissements dont un nombre non négligeable bénéficie d’une crédibilité permettant aux diplômés d’espérer rejoindre sans obstacles le marché de l’emploi, l’afflux d’étudiants étrangers n’a fait que croître au cours de la dernière décennie.

« Au total, 25 nationalités sont représentées chez nous », se réjouit Yasmine Sy, qui précise que ses étudiants viennent du Gabon, du Congo-Brazzaville et de toute l’Afrique de l’Ouest. « Un succès amplifié par la politique commerciale des écoles sénégalaises en Afrique », note Pape Madické Diop. Sur 220 étudiants en formation initiale et 450 auditeurs en formation continue, BEM Dakar compte 145 étudiants étrangers venus de seize pays. Et à l’IAM, les 28 nationalités représentées incluent des étudiants français, chinois ou canadiens. « Il y a un label sénégalais depuis toujours en matière d’enseignement, et le pays est stable, ce qui rassure les parents dont les enfants partent étudier à l’étranger », observe Pape Madické Diop.

Certains pays africains, qui avaient l’habitude d’accorder des bourses à leurs ressortissants pour partir étudier en Europe, se sont réorientés vers l’Afrique. Le Sénégal et le Maroc en ont tiré profit.

« Je ne trouvais pas de formation de fiscaliste au Gabon », témoigne Martine Olivia Menza Ndong, 25 ans. L’Agence nationale des bourses et stages, qui répertorie les écoles étrangères reconnues par le Cames [Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur] m’a proposé de poursuivre mes études au Sénégal, au Togo ou au Burkina. J’ai choisi le Sénégal parce que ce pays a une bonne réputation en matière d’enseignement supérieur et que les frais de scolarité sont abordables. » Dans sa promotion, environ 60 % des étudiants viennent de l’étranger.

« Avant le coup d’État de 1999, il y avait beaucoup d’écoles remarquables en Côte d’Ivoire », souligne Pape Madické Diop, pour qui un certain nombre de familles et d’étudiants sont arrivés au Sénégal au moment de la crise postélectorale. Yasmine Sy dresse le même constat : « Nous avions beaucoup d’étudiants ivoiriens, mais ils sont en train de rentrer progressivement chez eux. »

Pépinière
Pour renforcer leur attractivité, l’ISM, l’IAM, BEM et Sup de Co ont créé en 2011 une conférence des grandes écoles. « Nous voulons promouvoir l’image d’excellence de l’enseignement supérieur au Sénégal, tout en montrant que certains établissements sortent du lot », résume Yasmine Sy.

« L’État reconnaît notre rôle, et nous avons d’excellentes relations avec la Direction de l’enseignement supérieur privé. Toutefois, en matière fiscale, nous sommes traités de la même manière qu’un fabricant de pesticides, alors que l’éducation est censée faire partie des priorités du Sénégal, avec la santé et l’agriculture », s’étonne Pape Madické Diop, pour qui « l’objectif de ce conglomérat est aussi de constituer une force de proposition face aux pouvoirs publics en matière de fiscalité comme d’accès au foncier ».
« À nous quatre, nous représentons 6 000 étudiants, un chiffre d’affaires conséquent, et nos anciens élèves occupent des fonctions à responsabilité dans toute la sous-région », prévient-il.

Pour Moustapha Guirassy, la pépinière des écoles de commerce a prospéré grâce à son avant-gardisme : « Nous formons les étudiants du futur. Nous disposons d’instruments dont l’université publique ne dispose pas pour préparer nos étudiants à la culture entrepreneuriale. »

Jeuneafrique

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