jeudi, avril 18, 2024

Billet retour sur le parcours de Tidiane Barry de l’Orts à la Rts !

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Tout juste nommé à la direction de la télévision nationale, Tidiane Barry, 54 ans, revient sur son parcours et ses projets pour la première chaîne. 

Est-ce ce Tidiane-là, le stagiaire tout frais moulu au Cesti, qui rasait les murs de l’Office de Radiodiffusion télévision du Sénégal (Orts)? Est-ce ce bonhomme au teint basané et à la gouaille profane, qui dirige aujourd’hui la chaîne nationale ? Oui, c’est ce petit et chétif Barry aux pas titubants et au phrasé balbutiant qui occupe aujourd’hui le plus moelleux strapontin du Triangle Sud. Mérite ou simple parachutage, comme c’est parfois de coutume dans cette station névralgique, cœur de la communication étatique  du Sénégal, où le récurrent jeu de chaise musicale se fait selon les intérêts de la caste politique au pouvoir ? Pour ceux qui ont connu Tidiane Barry, sa grande volonté et ses bonnes volitions, le chemin était tout tracé. Il était écrit qu’un jour ou l’autre, le petit reporter, grand squatteur des salles de montage et du studio de présentation, présiderait aux destinées de la boîte cathodique.

L’enfant solitaire et timide est aujourd’hui bien loin. Derrière un large bureau de bois foncé, dans une pièce aux murs nus, est assis un homme accompli. Son ami de toujours, Abdourahmane Koïta, relève le penchant de son compagnon de route pour les grasses matinées : «Le dimanche matin, nous venions jouer au football sous ses fenêtres pour l’embêter», dit-il, en riant. Seul polygame parmi ses camarades de la dixième promotion du Cesti, Tidiane Barry aime les plaisirs simples de la vie. Yoro Sarr, collaborateur du Jt de la Rts depuis 1983, rapporte en souriant les propos de son collègue lors d’un déplacement : «Nous étions dans la région de Kolda pour un reportage et avons aperçu des femmes faisant du miel. Tidiane m’a alors demandé si je connaissais les vertus du miel. J’ai répondu que non. Il m’a alors dit : «Si tu veux rester toujours jeune et en bons termes avec ta femme, il faut manger du miel matin et soir.»

Quand il reçoit ce jour-là, le nouveau directeur de la Rts n’est donc plus ce malingre des temps passés. Le vieux costaud a remplacé le garçon rabougri. Mais l’homme est resté intact : toujours humain, jamais hautain. Ses vertus de chemin. Dans les locaux de la Rts, il a le sourire engageant, la conversation facile. Tidiane Barry est profondément intéressé par les autres, ce qui a fait de lui un reporter prêt à se rendre dans les villages les plus reculés et à partager le quotidien de populations vivant sans eau ni électricité. Certains des journalistes qui travaillent actuellement sous sa direction se souviennent encore de leur première rencontre avec le présentateur vedette de leur enfance, venant à leur rencontre avec un naturel déroutant. Mais le doyen de la Rts a surtout conservé ses exigences personnelles : celles du travail bien fait et la recherche assidue du résultat. Enfant,  il passait ses journées à étudier, le nez plongé dans les livres.

Le grand frère de la Rts

Le présentateur vedette du 20 heures de la Rts à l’élocution parfaite, est né et a grandi à Dakar, à deux pas de son lieu de travail actuel. Il est le premier enfant du couple Barry, l’aîné de quatre frères et deux sœurs. A la rue 27 de la Médina, quartier de son enfance, c’est donc très tôt qu’il a dû prendre ses responsabilités : «J’étais régulièrement consulté par mon père dans les situations de conflits, j’intervenais pour aplanir les divergences». Et il compte bien utiliser ses qualités de médiation et de concertation pour gérer les équipes télévisuelles : «Je vais travailler en collaboration étroite avec mes collègues du journal télévisé. Ils sont aujourd’hui tous des petits frères, je suis presque l’aîné». Les membres de la rédaction du JT l’appellent en effet leur «doyen». Tidiane Barry ne veut pas être un tyran à la tête du groupe télévisuel, plutôt un superviseur : «Je compte être le facilitateur qui va accompagner la dynamique de relance», dit-il dans un sourire doux. Mais s’il met en avant ses qualités de diplomate, sa carrure imposante laisse deviner une poigne de fer. Les deux coudes posés sur la table, il dégage une grande force de caractère. Celle de l’homme conscient de sa valeur, qui sait ce qu’il veut et fait exactement ce qu’il faut pour arriver à ses fins. A 54 ans, il sera le grand frère de la Rts, comme il le fut dans son enfance. Juste et doux, mais avec une autorité inébranlable. Son frère cadet, Souleymane Barry : «Je me rappelle la joie avec laquelle il m’a soulevé dans les airs le jour où je suis rentré à la maison avec mon bulletin de premier de la classe».

Comme son père, policier de carrière qui a passé sa vie au service de l’Etat, ce pur produit du service public est dévoué aux autorités et à son pays. C’est presque à contrecœur qu’il avoue que sa mère était d’origine guinéenne, comme si cela cassait la symétrie parfaite de son parcours. C’est au moment de sa découverte du journalisme que son parcours a pris un tournant décisif. Avant cela, il rêvait de Médecine. Mais en Première D, la section scientifique de l’époque, il était nul en mathématiques. Dans son costume gris foncé, la cravate parfaitement ajustée, il parle de sa vie comme d’un long fleuve tranquille, où tout s’est déroulé selon son bon vouloir : «Je me suis présenté au concours du Cesti en 1979 quand j’ai eu mon bac, et ça a marché. Le jour où on m’a dit : «Tidiane, tu es reçu au concours, je me suis dit tiens : est-ce que je vais réussir dans ce métier?» Il dépose alors son Cv à la Rts «comme tout le monde», et reçoit en 1983 le coup de fil qui change sa vie. On l’affecte à la radio : «Cela a été pour moi un passage utile. La pratique de la radio m’a bonifié. Lorsque je suis passé à la télé, ça a été relativement facile pour moi. J’ai eu une bonne tenue d’antenne.»

Des valeurs d’un autre temps…

Tidiane Barry est un journaliste à contre-courant : il fuit les projecteurs, préfère agir dans l’ombre. Pour lui, le présentateur idéal est «celui qui fait preuve d’humilité, qui est sobre dans son expression et dans son regard, qui ne cherche pas à fasciner ou à séduire.» Des paroles étonnantes à une époque où les présentateurs cherchent avant tout la gloire, et où la télévision est souvent le lieu de tous les excès. Lui se souvient du temps où le Jt se faisait à partir de manuscrits, sans prompteurs. Ou encore des nombreux voyages qu’il a faits en tant que journaliste, et qui sont restés gravés dans sa mémoire: «J’ai assisté en novembre 1990 à l’intronisation de l’empereur Hakihito au Japon où j’avais accompagné le Président Diouf. Au retour de ce voyage, nous avons fait une escale en Arabie Saoudite, et j’ai eu la chance d’effectuer le petit pèlerinage qui s’appelle Oumra. Le serviteur des deux Saintes Mosquées nous a ouvert la Kaaba. Et nous avons eu la chance de prier à l’intérieur. J’ai vécu des moments extrêmement intenses sur le plan émotionnel. C’est resté gravé dans ma mémoire.»

Le nouveau directeur de la télévision sait qu’il détonne, et veut dire à ses détracteurs qu’il n’est pas froid, seulement effacé : «Les gens confondent parfois l’individu un peu taciturne avec quelqu’un de froid. Je ne suis pas froid, je communique quand c’est nécessaire.» Cette importance accordée au mot et au sens se ressent dans sa conversation. Son discours est posé, ponctué de longs silences et rythmé par d’amples gestes de ses mains. Tidiane Barry, le grand frère, le doyen, l’homme discret, est donc le candidat choisi pour mener la «bataille du contenu» engagée par les chaînes de la Rts, tout en restant fidèle à la tradition journalistique du groupe.

LAURE BROULARD 

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