mardi, avril 16, 2024

Quatre cent cinquante kilomètres à tricycle, l’exploit d’un jeune sénégalais handicapé

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Khadimou Rassoul Badji devant l’Assemblée nationale sénégalaise, à Dakar, le 1er mai. Photos de notre Observateur Hamidou Sagna.

Le 1er mai, les Dakarois ont eu la surprise de voir arriver devant l’Assemblée nationale un jeune homme handicapé en tricycle. Ce dernier a parcouru les 450 kilomètres qui séparent Ziguinchor, en Casamance, de la capitale sénégalaise. Son objectif : dénoncer les ravages du conflit dans sa région et militer pour l’insertion des handicapés par le sport.

Khadimou Rassoul Badji est un athlète handisport de 28 ans qui pratique la course de fond et le handbike. Il est atteint de la polyomyélite, une maladie qui paralyse l’intégralité de sa jambe droite. Il a traversé le Sénégal du sud au nord et a également traversé une partie de la Gambie. Il a terminé son périple en délivrant une lettre à l’attention du président Macky Sall où il aborde, notamment, la question des handicapés en Casamance, région où les mines anti-personnel ont fait des ravages.

Le conflit en Casamance oppose depuis les années 1980 les forces rebelles indépendantistes du Mouvement des forces démocratiques de Casamance (MFDC) à l’armée sénégalaise. Officiellement, un cessez-le-feu a été signé en 2005, mais des accrochages ponctuels rendent toujours la situation sécuritaire difficile dans cette région sénégalaise enclavée entre la Gambie et la Guinée Bissau.

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Sur son vélo, le jeune athlète avait attaché un drapeau du Sénégal et un drapeau blanc pour demander la paix en Casamance.

« À Ziguinchor, il y a énormément d’enfants handicapés car ils ont explosé sur une mine »

Khadimou Rassoul Badji est l’athlète handisport qui a rallié Dakar en tricycle.

Je me prépare depuis novembre 2012 pour cette aventure. Au départ, mon but était de rallier Dakar en quatre jours. Au final, je suis un peu déçu d’en avoir mis cinq, mais très fier de l’avoir fait avec un tricycle que j’ai moi-même conçu.
J’avais un téléphone avec moi, mais j’étais totalement seul dans ce périple. J’avais des villes relais définies à l’avance.

J’ai parcouru environ 100 kilomètres par jour, et la principale difficulté était de surmonter la chaleur et de faire attention aux camions. Sur le trajet, des automobilistes me klaxonnaient pour m’encourager et ralentissaient pour me dire de faire attention, parfois même pour me dissuader de continuer car ils trouvaient ça dangereux. À l’arrivée, j’étais totalement exténué car je n’ai pu m’aider que de mes bras et de ma jambe droite pour faire fonctionner le tricycle.

« Dans ma ville, les infrastructures pour les handicapés ne sont pas adaptées »

Ce n’est pas évident pour les handicapés sénégalais de se déplacer, les fauteuils roulants les moins onéreux coûtent 200 000 francs CFA (soit 300 euros). En plus, les infrastructures sont assez mauvaises à Ziguinchor, il y a très peu de rampes d’accès et l’accès aux bâtiments administratifs ou même aux hôpitaux est très difficile.

Ma seule déception est de ne pas avoir été reçu par des officiels, ni au Sénégal, ni lors de mon passage en Gambie où je voulais passer par l’ambassade du Sénégal [le jeune homme avait fait une demande pour rencontrer Macky Sall et le président de l’Assemblée Nationale sénégalaise mais n’avait toujours pas été reçu au moment de la publication].

« Je voulais parler de la Casamance qui est, à mon sens, une région oubliée du Sénégal »

En Casamance, il y a énormément d’handicapés, principalement des enfants, à cause de personnes qui sautent sur des mines. Dans l’association sportive dont je suis le président, il y a une trentaine de personnes qui ont été victimes d’une mine antipersonnel [selon le Centre national d’action anti-mines de Dakar, il y aurait eu 751 victimes recensées en Casamance]. Malgré la fin officielle du conflit, il y en a partout disséminées dans la région.

Avec cette aventure, je voulais faire la promotion du sport pour les handicapés, montrer qu’on peut faire de grandes choses quand on a la volonté et qu’on parle de la situation en Casamance qui est, à mon sens, une région oubliée du Sénégal.

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