Auteur de Emma, Bessel et le secret d’une plume, Idrissa Sow vient de publier un autre ouvrage Naangue .ou l’astre de la renaissance. Et contrairement aux autres publications le poète du fouladou a choisi cette fois ci ,le théâtre un autre genre littéraire. Dans l’entretien qu’il nous a accordé, Idrissa Sow a expliqué les raisons qui l’ont poussé à choisir le théâtre. L’auteur de Bessel est également revenu sur quelques sujets abordés dans ce livre notamment, la démocratie, la corruption, la concussion ….. Entretien ,
Koldanews.com : Vous venez de publier un autre ouvrage, Naange L’Astre de la Renaissance après Emma, Bessel ou le Rêve brisé et Le Secret d’une plume, pourquoi ?
Idrissa Sow : La pratique littéraire chez nous, comme l’a si bien dit le professeur Alioune Badara Diané dans la préface de ce livre « a un statut ontologique : l’homme écrit pour mieux vivre et mieux faire vivre. » Autrement dit, tant que la foule ne fera pas foule, pour reprendre Césaire , tant que la foule ne sera pas foule mais ne sera qu’une houle, une boule ou une courge dans la cité lourde et sourde, tant que le repère ou le recours ne fera pas ce qu’il dira et ne dira pas ce qu’il fera, notre petite plume porteuse d’une parole s’élèvera pour plaire mais surtout déplaire car cherchant à moraliser et à instruire, en un mot pousser au dévouement social, national et humanitaire. En d’autres termes, l’artiste missionnaire ou messager comme la femme qui donne la vie, donne la vie, lui aussi, et dans la douleur, à des bébés livres. Pour la femme le travail s’arrête à la ménopause tandis que celui de l’artiste se prolonge jusqu’à la mort physique. Maintenant, la grande affaire est de produire des œuvres de qualité qui plairont et convaincront les critiques littéraires et les lecteurs avertis et résisteront au temps, c’est-à-dire intemporelles, car s’adressant aux générations futures.
Koldanews.com : Quelles motivations avez-vous en choisissant cette fois le théâtre, un autre genre littéraire ?
Reprenons que l’artiste a une mission et un message à délivrer et il faut que la mission soit accomplie, que le message passe et ne casse pas. Plus que la poésie ou le roman, nous semble-t-il, le théâtre est plus proche du public, de la vie, le théâtre est plus vivant. Soutenons même que la vie quotidienne qui n’est qu’un théâtre se contemple dans le théâtre. Vu sous cet angle, le théâtre total est à la fois communication et communion, un cadre d’expression dans lequel le dramaturge, le metteur en scène, les acteurs, et même les spectateurs participent à l’élaboration, à l’exécution et à la consommation du produit culturel.
Koldanews.com : Le thème de la démocratie cher aux européens est mis en exergue. Est-ce à dire qu’il y a beaucoup à faire en Afrique ?
Idrissa Sow : D’abord, la démocratie n’a pas été inventée par l’occident. La démocratie est africaine car l’Afrique est le berceau de l’humanité. Anta DIOP l’a prouvé à suffisance, cette pièce de théâtre, Naange L’Astre de la Renaissance, illustre cette théorie en s’inspirant de la vie et de l’œuvre de Sankara et de Mandela et en se fondant sur les recommandations que vous avez dans l’œuvre à savoir les 7 principes de l’Imamat en République du Fouta de Ceerno Sileyman Baal, la lettre de Cheick Ahmadou Bamba adressée à Samba Laobé Fall, nous le citons « Un jour le pouvoir que tu détiens te sera repris pour être cédé à d’autres rois qui te succéderont », l’extrait de la leçon inaugurale du juge Kéba Mbaye qui disait dans sa conférence, citons le « Que ceux qui détiennent une parcelle de pouvoir et en abusent ou qui se sont enrichis en foulant aux pieds les règles d’éthique se le disent bien, ils n’inspirent aucun respect ; or le respect de ses concitoyens est le bien le plus précieux. »
Donc, notre livre démontre que c’est en Afrique que les européens venaient s’abreuver du lait de la démocratie et de la bonne gouvernance et que la dictature actuelle, la corruption, la concussion, le népotisme, le despotisme, l’incivisme, le vandalisme que l’on pratique actuellement en Afrique est un héritage de la colonisation et de l’occident. L’Afrique est la mère de la démocratie et de la méritocratie. Replongez dans l’histoire de l’empire du Mali avec l’adoption de la charte du Mandé ou de Kuru kan Fuga, replongez dans l’histoire de l’empire du Macina avec la mise en place par Cheikou Amadou du Batu Mawdo, un organe souverain. Mais revisitez l’histoire du Fouta avec la révolution tooroodo initiée par Ceerno Sileyman Baal.
C’est cela Naange, le soleil de la renaissance africaine. Autrement dit, par l’image du soleil qui se lève et que vous voyez sur la première de couverture, le recours et aux valeurs africaines comme le Pewal ou la droiture et leur application en faveur de notre jeunesse fragile en quête de repères. D’ailleurs, comme l’a si bien dit le professeur Babacar Fall, le postfacier de ce livre, nous le citons, « Naange l’astre de la renaissance est un modèle d’éducation à la démocratie, à la citoyenneté offert en viatique à la jeunesse du Sénégal et de l’Afrique. » Naange rappelle à suffisance que la gestion du pouvoir du peuple doit reposer sur la vertu et non sur la ruse. Autrement dit, l’homme de pouvoir au pouvoir et détenant le pouvoir du peuple souverain doit servir le peuple et non se servir ou se sucrer, s’enfler d’orgueil et se croire éternel. Celui qui détient le pouvoir du peuple de Dieu et applique le laamu mudioral ou donal c’est-à-dire le pouvoir à vie ou la dévolution monarchique du pouvoir sera inexorablement calciné dans une cave à charbon du panthéon de l’oubli et du souci. C’est le message de cette pièce réaliste et en même temps onirique et qui nous invite à réfléchir sur l’exercice du pouvoir et ses dérives.
Koldanews.com : Idrissa Sow Gorkoodio serait-il devenu plus engagé, plus révolutionnaire ?
Idrissa Sow ; Comme l’a si bien dit, encore une fois, notre préfacier Alioune Badara Diané, « Nous sommes engagés dans notre siècle corps et âme et que pour nous la pratique littéraire n’est pas seulement en rapport avec des enjeux de plaisir. » Encore une fois, l’artiste ne peut pas, ne doit pas siéger sur le toit de la ville lorsque celle-ci est jhassiégée et gangrénée par des maux multiples. Mais le faisant, il ne manifeste son appartenance à aucun camp, sinon à celui de Dieu et de la vérité. En ce sens Baudelaire avait raison de dire « Le poète n’appartient à aucun parti, autrement il serait un simple mortel. »
, Entretien réalisé à Vélingara par Babacar DIOUF koldanews.com