mardi, avril 16, 2024

France: 8 militants français en grève de la faim pour l’interdiction des expérimentations animales

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L’expérimentation animale fait débat depuis des années. Prohibé au sein de l’Union européenne pour les produits cosmétiques depuis le 11 septembre 2004, le recours à des animaux à des fins expérimentales est toujours autorisé – et même obligatoire – dans la recherche biomédicale et toxicologique mais la question de son interdiction est aujourd’hui plus que jamais remise sur la table, après qu’une initiative citoyenne européenne a récolté plus d’un million de signatures.

1 million de signatures pour « Stop Vivisection »

L’initiative en question porte le nom de « Stop Vivisection » et s’est invitée dans la politique européenne grâce à un nouvel instrument de démocratie participative qui permet aux citoyens européens de proposer des lois à condition que leur projet soit soutenu par au moins 1 million de signatures certifiées et récoltées dans pas moins de sept pays. Avec 1,17 million de signataires venant de 26 pays de l’UE, les initiateurs de « Stop Vivisection », dont font notamment partie le vétérinaire et zoologiste belge André Ménache et l’ex-directeur de laboratoire français, Claude Reiss, y sont parvenus. La pétition a ainsi obtenu le statut d' »initiative citoyenne européenne » en mars dernier, ce qui oblige la Commission européenne à y répondre dans un délai de trois mois.

« Stop Vivisection » a depuis fait l’objet d’une séance publique au Parlement européen le 11 mai et la Commission devrait se prononcer le 3 juin pour décider ou non de l’interdiction des vivisections mais les plus fervents opposants à l’expérimentation animale ne comptent pas attendre la décision de l’institution. Christophe Lepretre, 50 ans, est de ceux-là.

« N’importe quel être vivant doit être respecté, ni torturé, ni exploité »

Ce « généraliste de la cause animale » (comme il se décrit lui-même), est impliqué dans la protection des animaux depuis une vingtaine d’années: « En 1997, j’ai découvert le bouddhisme qui m’a vraiment fait prendre conscience de beaucoup de choses dont le respect que tout être humain censé doit avoir envers tout être vivant, nous confie-t-il. J’ai ressenti comme un appel pour préserver les êtres les plus démunis, les plus vulnérables, c’est-à-dire les animaux. » Mais il est également impliqué dans l’humanitaire « parce que n’importe quel humain doit être respecté comme n’importe quel animal et ne doit être ni torturé, ni exploité », poursuit-il.

Las de manifester pour tenter de sensibiliser les pouvoirs publics à sa cause « sans que rien ne change », cet ardent défenseur des droits des animaux a songé à une action plus radicale pour interpeller les autorités et demander l’interdiction des expérimentations animales: le 16 mai dernier le quinquagénaire s’est mis en grève de la faim stricte et pour une durée illimitée.

24 jours sans s’alimenter et à raison de 3 litres d’eau par jour

Christophe Lepretre n’en est pas à son coup d’essai puisqu’en 2013 déjà il avait fait un jeûne de protestation pour faire interdire les corridas dans le sud de la France. Rejoint par une autre militante, l’homme avait alors tenu 24 jours sans s’alimenter et en buvant 3 litres d’eau plate par jour, mais avait finalement dû renoncer, pour sa santé et « devant le mutisme du maire de Mimizan » (son interlocuteur à l’époque) qui n’a jamais souhaité le rencontrer.

Le fait de jeûner pour manifester sa protestation n’est pas sans risque pour sa santé, Christophe Lepretre le sait: « Dès que votre corps n’est plus alimenté, vous risquez un arrêt cardiaque à tout moment, et plus le jeûne dure, plus ce risque augmente », précise-t-il. Mais cela ne l’a pas découragé à recommencer, ses convictions sont plus fortes. L’activiste est néanmoins suivi de près par un médecin et il tient à ce qu’il en soit de même pour les personnes qui souhaitent le rejoindre: « Je n’encourage personne à faire de grève de la faim mais je conseille seulement les personnes qui souhaitent nous rejoindre dans ce mouvement en les avertissant que ce n’est pas une action facile. Ces personnes sont prévenues qu’il faut être en bonne santé parce que c’est quand même difficile. On leur demande de se faire suivre une fois qu’elles se sont lancées », ajoute-t-il. Les militants qui jeûnent « à distance » doivent s’engager sur l’honneur à ne pas du tout s’alimenter et fournir une attestation médicale de perte de poids. Ils sont 7 anonymes originaires de toute la France aujourd’hui à l’avoir rejoint dans son action.

13e jour de jeûne pour demander la fermeture du Centre de primatologie de Strasbourg

La principale revendication de ces militants grévistes ? La fermeture du Centre de primatologie de Strasbourg (CdP). Christophe Lepretre, qui en est à son 13e jour de jeûne aujourd’hui, a pris tous ses congés pour être présent quotidiennement sur la place Kléber, la place centrale de Strasbourg, et expliquer son action. Jérémy Le Bouter, un autre militant activiste, avait débuté cette action avec lui mais a finalement dû y renoncer pour des raisons de santé mercredi soir, après 12 jours sans s’alimenter.

Christophe Lepretre à gauche, Jérémy Le Bouter à droite

Créé en 1978 et rattaché à l’Université de Strasbourg, le CdP est aujourd’hui unique en Europe. Il accueille près de 800 primates d’une dizaine d’espèces différentes, en conditions de semi-liberté, et emploie une vingtaine de chercheurs, éthologues, vétérinaires et soigneurs animaliers. « Le Centre est dédié à la recherche sur le comportement des primates (éthologie) et à la formation d’étudiants et de professionnels qui se destinent à la recherche, aux soins ou à la protection des primates, explique la directrice du CdP (*). Les espèces étudiées sont des macaques, des capucins, des lémuriens et des ouistitis. » Parallèlement à son activité de recherche, le Centre a progressivement développé une activité commerciale d’élevage, de transit et de quarantaine pour des primates destinés à être revendus à des instituts de recherche médicale.

« Certains animaux sont en voie de disparition », « un fort risque de pollution »

Et c’est bien ce que dénoncent aujourd’hui les militants grévistes: « Il faut savoir que cette enceinte séquestre non seulement des animaux dont certain figurent sur la liste des espèces en voie de disparition mais il y a aussi un fort risque de pollution du sol et de l’eau courante en raison de leurs déjections, déclare Christophe Lepretre. Dans les laboratoires de vivisection auxquels ils sont destinés, on leur fait toutes sortes de tests sans anesthésie, ils souffrent le martyre et au bout du compte ils sont abattus, poursuit-il. On teste non seulement des médicaments mais aussi des thérapies, avec des injections dans les yeux, des manipulations brutales, etc. »

Ce que conteste catégoriquement la directrice du CdP: « Les primates hébergés au CdP ne proviennent pas de prélèvements dans la nature mais sont nés en captivité, les activités du CdP ne mettent donc pas en péril les populations sauvages. Les spécimens les plus rares comme les lémuriens ou les capucins, impliqués dans des programmes de conservation au niveau européen ne font par ailleurs pas l’objet d’expérimentations animales, assure-t-elle. Comme la réglementation l’exige, les effluents du site sont par ailleurs collectés et traités et ne sont en aucun cas rejetés dans l’environnement. »

Des activités encadrées par la législation: « Très peu d’études sont douloureuses »

Les activités du Centre sont encadrées par la législation, c’est également ce que tient à préciser sa direction : « La recherche biomédicale utilise systématiquement, et en premier lieu, les modèles in vitro ou in silico (en simulation informatique ndlr.) avant d’avoir recours aux animaux, puis aux essais cliniques chez l’homme. C’est la loi. Très peu d’études sont douloureuses, promet-elle. En cas de douleur, le recours à l’anesthésie est systématique. L’expérimentation animale est strictement contrôlée et encadrée en Europe par une règlementation qui est la plus exigeante au monde. « 

Selon sa directrice, le Centre viendrait même en aide aux animaux en voie de disparition : « Le CdP contribue à leur préservation via les études menées en éthologie et en formant les professionnels (vétérinaires, biologistes, etc.) qui partiront sur le terrain les protéger », déclare-t-elle.

« Dangereuses pour les animaux, mais également pour les humains »

La loi oblige aujourd’hui tout « candidat médicament » à être testé sur deux espèces différentes de mammifères avant de passer aux tests – eux aussi obligatoires – sur l’Homme. Selon Hélène Sarraseca, cofondatrice de l’association Antidote Europe, les expérimentations animales sont non seulement dangereuses pour les animaux mais également pour les humains. « Elles donnent une information qui est fausse puisque dans 9 cas sur 10, les médicaments testés avec succès sur les animaux ne réussissent pas le test sur l’Homme, ce qui met les premiers cobayes en danger », indique-t-elle, avant de poursuivre : « De façon générale, le fait d’expérimenter sur des animaux ne donne pas de résultats fiables pour l’Homme. Que ce soit pour la recherche fondamentale ou pour la toxicologie, pour la recherche appliquée ou pour l’enseignement, il y a des méthodes alternatives », assure-t-elle.

Des méthodes alternatives

Parmi elles, la toxicogénomique qui permet d’étudier l’impact des substances chimiques sur les gènes humains, à partir de cellules humaines cultivées en laboratoire. « Mais il y a un tas d’autres techniques qui existent aujourd’hui dont notamment des techniques de reproduction de mini organes mis sous perfusion, soutient Hélène Sarraseca. Il y a une énorme perte de temps et de moyens aujourd’hui parce qu’il faudra de toute façon tout revérifier sur l’Homme. Les tests qui ont été effectués sur les animaux n’ont servi à rien. »

« Abandonner l’expérimentation animale reviendrait à stopper le progrès médical »

Manque de fiabilité, perte de temps et perte d’argent, tels sont donc les principaux arguments des opposants à la vivisection au-delà des « maux faits aux animaux ». Mais la directrice du Centre de primatologie n’est évidemment pas de cet avis: « Abandonner l’expérimentation animale reviendrait à stopper le progrès médical pour l’homme et les animaux. Les méthodes alternatives ne peuvent pas tout remplacer, elles ont des avantages et des limites. Il est difficile de penser que les citoyens européens soient en faveur de l’arrêt des recherches en cours sur des maladies aussi graves que le cancer, la maladie d’Alzheimer, la maladie de Parkinson, Ebola et beaucoup d’autres sources de souffrances humaines. Il est nécessaire de maintenir en Europe la possibilité d’utiliser des animaux à des fins scientifiques en veillant au respect de la protection animale, garantie qui est apportée par la réglementation actuelle. »

Le Centre de primatologie pourrait doubler sa capacité d’accueil

La direction du Centre de primatologie de Strasbourg a récemment obtenu une autorisation d’extension de son site par le préfet du Bas-Rhin et pourrait donc accueillir 800 nouveaux primates à moyen terme: une véritable hérésie pour les défenseurs de la cause animale. Mais la direction du Centre l’affirme: « Les nouvelles animaleries étendent, pour des raisons techniques, à 1.600 places la capacité d’accueil du site, mais cela ne traduit pas une augmentation du nombre d’animaux hébergés dont la moyenne oscille toujours entre 600 et 800. Ces nouvelles installations permettent la quarantaine et l’acclimatation des animaux dans des locaux adaptés aux nouvelles normes européennes, en sécurité pour les manipulateurs, l’environnement et les autres animaux du site. »

Quelque 11,5 millions d’animaux sont utilisés à des fins scientifiques chaque année en Europe, dont 2,2 millions en France et « la plupart d’entre-eux sont euthanasiés à la fin de l’expérience », affirme Hélène Sarraseca. Les souris représentent avec les lapins 80 % du nombre total d’animaux utilisés, devant les animaux à sang froid (reptiles, amphibiens, poissons : 12,4 %) et les oiseaux (5,9 %). Les carnivores (chiens et chats) représentent 0,25 % du nombre total d’animaux utilisés et les primates non humains 0,05 %.

La Commission européenne se prononcera le 3 juin pour décider ou non de l’interdiction de l’expérimentation animale.

(*) La directrice du CdP ne souhaite pas être nommée, pour des raisons de sécurité.

Avec RTLInternational

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