samedi, avril 20, 2024

Séries Télévisées : la Turquie a vendu pour 150 millions de dollars de séries en 2013

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Du Moyen-Orient à l’Europe des Balkans, les productions turques rencontrent un succès phénoménal. Deuxième exportateur mondial derrière les Etats-Unis, la Turquie a vendu pour 150 millions de dollars de séries en 2013. Mais les conditions de travail des acteurs et des techniciens qui produisent les épisodes à la chaîne se sont singulièrement dégradées au fil des ans et nourrissent la grogne du secteur.

Cadences infernales, précarité, course aux profits… Elif Nur Kerkuk n’est qu’une novice des studios mais elle a vite découvert l’envers du décor. « La pire journée de travail que j’aie eue est un tournage de vingt-sept heures », confie-t-elle, évoquant « l’esclavage ». La jeune actrice n’est pas près d’oublier ce jour de l’an dernier où, après avoir tourné des scènes dans le centre de la Turquie pendant vingt-quatre heures d’affilée, toute l’équipe de tournage a été entassée dans un bus en direction des studios d’Istanbul, pour enchaîner illico une autre journée de travail… « Je suis resté éveillée toute la nuit à surveiller le chauffeur en me demandant ce qui se passerait s’il s’endormait au volant », se souvient-elle.

Les statistiques sont encore incomplètes mais c’est un fait, le nombre d’accidents du travail graves a augmenté sur les plateaux, conséquence directe de l’accélération des rythmes de tournage. L’an dernier, une assistante vidéo de 26 ans a été tuée, renversée par un chauffeur de camion en manque de sommeil. Un technicien a succombé à une crise cardiaque après quarante-cinq heures de travail consécutives. De nombreux autres professionnels ont été blessés, parfois grièvement.

Cercle vicieux

« Oubliez tout ce qu’on vous a dit sur cette industrie », ironise Tilbe Saran, secrétaire générale du syndicat des acteurs turcs. « Ni supervision, ni mesures de sécurité, aucun respect pour la vie humaine! », dénonce l’actrice. « On ne retrouve de telles conditions de travail que dans les pays du Tiers-Monde ».

La détérioration rapide des conditions de sécurité a poussé syndicats et acteurs à former un collectif qui a remporté en janvier une première victoire: après une série de manifestations, le ministère du Travail a classé les plateaux de tournage dans la catégorie des lieux de travail « dangereux ». Ils font désormais l’objet d’inspections de sécurité et la présence d’un médecin y est obligatoire.

Mais le problème reste entier. Car de l’avis des acteurs, c’est l’organisation du secteur de la production télévisuelle qui est en cause.

En 2004, l’organe administratif de régulation de la télévision (RTÜK) a imposé pour les séries un minimum de 20 minutes de diffusion d’affilée avant toute pause publicitaire. Les chaînes ont alors ordonné aux producteurs d’allonger la durée des épisodes, pour pouvoir insérer les lucratifs spots publicitaires. En dix ans, la diffusion est passée de 45 minutes à 150 voire 180 minutes. Certaines s’étalent sur des soirées entières.

« C’est un cercle vicieux, plus les séries sont populaires, plus les acteurs deviennent célèbres et plus les épisodes sont longs », constate Zafer Ayden, le patron du syndicat turc des travailleurs du cinéma.

Un traitement humain

La course à la production s’est emballée comme jamais, mais elle est de plus en plus incertaine. Car la moindre chute d’audience est immédiatement sanctionnée par l’arrêt d’une série, laissant à chaque fois sur le carreau, sans préavis ni paiement, des centaines de personnes. Chaque saison, la moitié des 50 à 70 séries diffusées subissent ce sort.

Dans ces conditions, la pression sur les plus de 10.000 employés du secteur – souvent des indépendants sans contrat – est permanente. « Les gens prennent énormément de drogues et de médicaments » pour tenir physiquement, confie M. Ayden.

Certains ont craqué. Interpellé l’an dernier pour possession de stupéfiants, l’acteur vedette Kenan Imirzalioglu compte jeter l’éponge à la fin de la série « Karadayi » dont il est le héros si les conditions de travail ne s’améliorent pas. « Tant que la durée d’un épisode ne sera pas réduite à 60 minutes, je ne travaillerai plus sur aucune série télé », a-t-il prévenu.

Sur le plateau de « Seref meselesi » (« Une question d’honneur »), adapté d’une production italienne, le réalisateur Altan Dönmez admet volontiers qu’il pousse son équipe au-delà des limites, par pure nécessité: « Nous ne pouvons pas tourner d’épisodes en avance, par crainte d’une annulation », du coup il faut produire très vite, parfois d’une semaine pour l’autre, en travaillant « seize heures par jour pendant six jours ».

La responsabilité en incombe aux seules chaînes de télévision, avides de bénéfices, ajoute Altan Dönmez, qui espère une décision du gouvernement. « Ce sujet ne devrait pas faire débat. Nous devons tous exiger +un traitement humain pour les êtres humains+ ».

Source: RTLInternational

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