vendredi, mars 29, 2024

Mouhamadou Moustapha Bassène, chef traditionnel Casamançais avertit et déplore…

Ne ratez pas!

 » Il faut revoir la politique à l’endroit des chefs religieux et de la Casamance…De l’indépendance à nos jours, nous n’avons eu que des postes bidons… »
Mouhamadou Moustapha Bassène, Chef traditionnel en Casamance, Secrétaire du Forum des rois et chefs du Sénégal, (ils ont un récépissé), est membre du groupe des hommes et femmes du Bois sacré de cette région naturelle avec des liens qui s’étendent jusqu’en Guinée Bissau. Il est également membre-représentant du comité des sages pour la paix en Casamance, dans les régions de Sédhiou et de Kolda, départements d’Oussouye et de Ziguinchor. L’actualité du moment, c’est le processus de Paix en Casamance, la mise en demeure de Baldé le maire de Ziguinchor, les difficultés que traverse le Sénégal vues par un chef traditionnaliste, mais aussi l’irrationnel et le mystique dans la vie du pays. Entretien…

Mr. Bassène, avec le processus de paix en Casamance qui semble maintenant se faire de plus en plus dans la grande discrétion, question légitime d’un Sénégalais : qu’est-ce-qui se passe réellement ?
Il n’y a aucune discrétion, nous sommes au courant de tout ce qui se passe, et les médias aussi en parlent. Chaque jour on entend parler d’individus présents en Italie pour négocier, d’autres qui partent rencontrer dans la brousse le groupe de César et autres… donc on ne peut parler de discrétion.
Des problèmes sont-ils notés actuellement ? Est-ce qu’il y a vraiment des avancées ?
Le dossier n’avance pas et il ne connaîtra aucun avancement tant qu’il n’y aura pas une implication des khalifes généraux et des chefs traditionnels. Ces hommes politiques ne régleront rien et ne feront au contraire qu’envenimer les choses en accentuant les clivages. Vous avez vu ce qui se passe en Italie, César et Salif sont des frères, mais il faut l’intervention des chefs religieux et traditionnels pour réconcilier les deux camps. D’ailleurs pourquoi aller en Italie pour négocier? On n’en a pas besoin, c’est une honte doublée d’un gaspillage. Et j’avoue aujourd’hui que c’est un échec total. En ce qui concerne Robert Sagna, il est venu créer son propre groupe, alors qu’il y en a déjà trois actifs, qui tous s’opposent. Robert Sagna est un fils de la Casamance, mais il n’a pas la bonne démarche, il doit parler à la population et non s’adosser sur un groupe. Tout le monde sait que le problème de la Casamance est né sous le pouvoir socialiste, alors quand ils reviennent et prétendent détenir une solution au conflit, ce n’est pas sérieux. Ils doivent arrêter de jouer avec la conscience des gens. Le gouvernement a commis une grave erreur en confiant le dossier à Robert Sagna. Vous n’avez jamais entendu dire qu’il est allé à la rencontre des chefs religieux du Sénégal, encore moins des chefs traditionnels. La Casamance appartient au Sénégal, donc on ne doit pas négliger le pouvoir des chefs religieux, rien que leurs bénédictions pourraient suffire à apporter une solution.

Vous semblez dire que si les khalifes généraux, les religieux étaient impliqués, ils seraient écoutés du côté de la rébellion ?

Absolument et obligatoirement ! J’en suis certain, c’est la seule issue. Nous avons des contacts avec la rébellion, ils respectent beaucoup les chefs religieux et aussi leurs parents. Leurs parents ont comme marabouts des chefs religieux, des khalifes généraux, et rien que ce lien pourrait décanter la situation. Mais aller jusqu’en Italie ! Quelle solution pourrait en découler ?
Le choix de l’Italie s’explique peut-être par le grand rôle joué par l’Eglise, et c’est pourquoi ils ont… disons délaissé un peu les familles religieuses nationales… vous ne partagez-pas cette impression ?
Voilà le danger ! Nous sommes un pays à dominante musulmane, nous n’avons pas que la religion chrétienne. Ce que l’Eglise devait faire c’est un appel au dialogue inter-religieux, de même que le cardinal qui devait aller à la rencontre des khalifes généraux et discuter avec eux pour ramener la paix en Casamance. Mais confier le dossier exclusivement à la hiérarchie chrétienne, c’est une grave erreur. Et nous, acteurs traditionnels, où se trouve notre place dans ce Sénégal alors ? J’ai toujours dit que le cardinal devait revoir sa démarche…
Pour y rester, il y a justement un livre sorti récemment faisant des révélations sur des sommes versées à la rébellion. Comment appréciez-vous ces révélations ? Et étiez-vous au courant de ces échanges financiers ?
Je n’ai jamais assisté à une causerie ou discussion sur cela, ni pris part à des négociations sur des mallettes. Mais à mon avis, même si c’était vrai, il ne lui appartient pas de salir le nom d’un haut gradé de l’armée. Les Sénégalais doivent faire attention à ce genre de déclarations salissantes, qui ne sont pas dignes d’un gendarme et qui peuvent à coup sûr être issues de frustrations… Si je pouvais porter une robe et me constituer défenseur du général Fall, je l’aurais fait sans hésiter, parce qu’il a beaucoup donné, avec le corps militaire et celui de la gendarmerie, pour le retour de la paix en Casamance. Ils ont sauvé la population casamançaise de moult situations dangereuses… Beaucoup de promesses ont été faites lors du conseil des ministres décentralisé en Casamance. Mais avec les changements au sein du gouvernement, certains ont déploré qu’il n’y ait eu aucun ministre casamançais.
Aujourd’hui en Casamance comment perçoit-on la mise en demeure d’Abdoulaye Baldé ?
Je déplore d’abord une grande erreur de la part du Président de la République. L’APR a remporté les élections présidentielles comme législatives en Casamance, avant d’échouer durant les locales, il fallait donc analyser le pourquoi de cet échec. Tous ceux qui ont été élus au nom de la Casamance n’y ont rien apporté et ils ne sont même pas représentatifs de ce terroir. Salif Sadio a donné trois millions à l’hôpital régional de Ziguinchor, c’est une honte, car des ministres tels Benoit Sambou auraient dû poser cet acte. Nos étudiants de l’UCAD souffrent, ils sont allés chercher de l’aide chez le ministre Benoit Sambou qui s’est déclaré incapable de leur venir en aide, à quel titre a-t-il alors été élu ministre pour la Casamance ? Abdoulaye Baldé lui, étant ministre, a fait un excellent travail, et a même pris des étudiants casamançais en charge. Son élection est un mérite et cela a toujours été le cas ; il a fait montre de toutes les compétences requises. Quant à sa mise en demeure, elle n’est souhaitable sous aucun aspect, car malgré tout ce que nous avons eu comme problème (le manque de ministres casamançais), le président Sall a posé certains actes salués. Donc compte-tenu de tout cela, il aurait dû éviter cette mise en demeure, entretenir une discussion avec nous chefs religieux et coutumiers ; nous lui aurions plutôt conseillé de travailler en accord avec Abdoulaye Baldé, le seul vrai fils-travailleur de la Casamance… Et nous aurions raisonné Baldé pour qu’il accepte cette collaboration. J’espère que le moment viendra où nous pourrons décanter cette situation, et nous en profitons pour demander à l’ensemble de la Casamance de rester calme, nous allons entamer une discussion avec le Président de la République.
Alioune Badara Cissé a déclaré que la mise en demeure d’Abdoulaye Baldé pouvait même gêner le processus de paix en Casamance… partagez-vous cet avis ?
Oui, je partage un peu cet avis. Mais nous, en tant que chefs religieux, nous allons gérer la situation parce que nous savons que la vision du président de la République pour la paix en Casamance est nette et claire ; il aime la Casamance, et Baldé demeure une référence…
Vous êtes un chef coutumier, et il existe du côté traditionnel des pratiques et réalités qui dépassent l’esprit cartésien, sentez-vous la nécessité de faire des sacrifices et autres pour les difficultés dont on parle ?
Vous savez, nous avons nos réalités. Et tout le monde a été témoin des sacrifices humains qui ont eu lieu durant la période électorale 2012. Ce qui est inconcevable ! Je condamne le comportement des politiciens, c’est inconcevable de faire de telles pratiques dans un pays où sont présents tant de chefs religieux, et qui ont été meurtris. Après cette période, le président aurait dû aller à la rencontre des khalifes généraux et des chefs religieux, leur demander l’état des sacrifices à faire. Et les difficultés rencontrées de nos jours ne sont qu’une punition divine issue de ces pratiques inhumaines. Au lieu de se préoccuper à poursuivre des gens supposés enrichis illicitement, le gouvernement aurait dû essayer de punir ces politiciens qui ont procédé à des sacrifices humains inouïs, cela aurait eu une plus grande portée.
Restons dans ce domaine du mystique, pour ‘’lire » les difficultés rencontrées par les Sénégalais, mais aussi d’autres faits comme les incendies, accidents…
Mais oui, et nous ne récoltons que ce que nous avons semé… Le seul responsable c’est l’Etat, qui a voulu non seulement s’éloigner du chemin divin, mais a en plus causé énormément de torts et déboires aux chefs religieux, jamais connus dans ce pays… il faut que l’on se ressaisisse, que le chef de l’Etat se rapproche des chefs religieux en vue de trouver des solutions. Ils n’ont qu’à ramener les membres humains emportés… Dieu ne va pas nous laisser en paix après tout ce qui s’est passé…et il y a eu beaucoup de barrages !
Quand vous parlez de barrages vous voulez parlez de quoi exactement ?
Mais nous avons nos réalités, quand des chemins par où passent certains esprits sont bloqués, il y a toujours un problème, qu’ont accentué ces sacrifices maléfiques et malsains…Ces barrages concernent certaines constructions faites au bord de routes qui constituaient les points de passage de certains esprits, et c’est une réalité. Nous avons aussi remarqué que lors des élections, les politiciens partent s’accroupir aux pieds des chefs religieux, mais dès que leurs intérêts se trouvent servis, ils désertent les lieux, ce qui relève d’un manque de reconnaissance notoire et ne doit plus être toléré. Et il faut aussi préciser que nous n’accepterons plus qu’un membre du gouvernement injurie un chef religieux ou lui jette des pierres, sinon nous allons riposter.
Vous êtes un fils de la Casamance. Il y a des chefs traditionnels casamançais et dakarois qui sont à Dakar. Comment appréciez-vous votre traitement ?
Nous avons une certaine considération des familles traditionnelles qui sont là. Mais malheureusement dans certaines cérémonies, il y a un manque de considération à notre égard. On oublie que la Casamance est là. Nous avons fait cette remarque et noté beaucoup de choses, à propos desquelles, arrivés en Casamance, nous discuterons avec les chefs traditionnels pour leur dire :  » Il faut qu’on fasse attention!» Par contre, quand les autres chefs religieux viennent chez nous, ils sont bien accueillis, mis dans de bonnes conditions. Il y a un respect du coté des femmes, mais pour les hommes rien. Dans certaines cérémonies, on nous prive même de parole, alors qu’on est invité. On nous laisse en rade. Des fois on nous dit qu’un Jaraaf doit parler, et on nous relègue au second plan. C’est pourquoi selon moi, le combat de Emile Badiane est toujours d’actualité. Quand nous invitons des lébous chez nous, ils sont logés dans des hôtels, véhiculés, installés aux premiers rangs durant les cérémonies et prennent la parole au moment des allocutions et interventions. Alors pourquoi, on nous marginalise ? Lors du fameux 23 Juin, quand il fallait agir et dire non, j’ai demandé à ces chefs traditionnels de descendre avec le peuple, personne parmi eux n’est venu. C’est nous qui avons quitté la Casamance pour poser des actes. Les archives sont là et vérifiables. Aujourd’hui avec l’arrivée du président Macky ce sont les autres qui sont positionnés et qui bénéficient des retombées d’une lutte qu’ils n’ont pas du tout menée. C’est pourquoi nous demandons au gouvernement de revoir ces manquements et de veiller à ce respect, sinon demain nous leur rendrons la monnaie de leur pièce s’ils viennent chez nous en Casamance. Et si on quitte Dakar pour les autres régions.
Et vos cousins sérères, les Saltigués disons, est-ce que vous les sentez actuellement dans la défense ou la protection mystique entre guillemets du pays?
Je dis sérieusement qu’ils ont une part de responsabilité dans ce qui se passe actuellement. Macky Sall est leur gendre, leur neveu etc. Il leur a beaucoup donné, il faut tout de même le reconnaître. Ce sont eux dès lors, qui devaient être les premiers à aller voir les khalifes généraux et chefs traditionnels pour examiner ensemble avec eux tout ce qui ne va pas et essayer d’y remédier. Parce que Macky ne mérite pas la phase qu’il traverse actuellement. Il a fait beaucoup de concessions, cédé sur beaucoup de postes. Ils se devaient de prendre leurs propres responsabilités et moyens pour l’aider en priant r pour lui. Mais voilà, il ne dort presque plus et fait même souvent des erreurs. Si ces gens jouaient leur rôle, il n’y aurait pas eu de malentendus entre le régime et les chefs religieux
Un dernier mot ou un appel ?
Ce sera de revoir la politique à l’endroit de la Casamance. Où est-ce qu’il est écrit qu’un casamançais ne doit pas être premier ministre ou même président si le Sénégal est un et indivisible ? De l’indépendance à nos jours, nous n’avons eu que des postes bidons. Le Sénégal nous appartient tous, on ne doit minimiser aucun de ses fils. Mais nos magistrats, en bref tous ceux qui tournent autour de la Justice méritent du respect et d’être protégés, c’est pourquoi je suis désolé quand j’entends certains propos à leur égard. Si on est attrait en justice, on doit s’attaquer à la personne qui vous y a traîné et non s’en prendre à l’institution. Prions pour que DIEU nous pardonne et nous préserve des calamités (incendie, sécheresse, accidents fréquents et autres), de même que les guerres et autres déchirures qui touchent des autres pays comme la Palestine.
Entretien réalisé par Fara Michel Dièye

Avec Setal.net,

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